Par la seule force de ses dessins, Will McPhail nous entraine dans un long et extraordinaire voyage dans le monde caché des sentiments vrais. Saurez-vous vous aussi fendre votre armure ?
Publié notamment par la prestigieuse revue The New Yorker, Will McPhail s’est fait un nom par ses dessins de presse. Il avoue que, de 7 à 16 ans, il n’a pratiquement lu que Calvin et Hobbes : « Je connais chaque ligne, chaque coup de luge. » Un bel, sympathique et de bonne augure hommage au grand Bill Waterson.
De fait, dans un contexte différent ; son dessin est réaliste et son héros plus âgé ; il reprend un dispositif similaire : quelques personnages, des décors récurrents (les appartements du héros et de ses proches, le bar) et des échappées oniriques. Nick, le héros, est illustrateur. Ce millénium vit entre sa mère, qui rénove son appartement, sa sœur, qui élève seule un petit garçon et Wren, sa nouvelle amie, une oncologue. Sa mère est frappée par un cancer. Son médecin se révèlera être Wren.
Nick souffre d’une incapacité en entrer relation « vraie » avec ses semblables. Il a l’intuition confuse qu’il lui serait possible de créer des interactions sincères et, ainsi, de pénétrer dans un monde parallèle caché, tel un univers d’un niveau supérieur.
Un jour, il parvient à fendre la cuirasse d’un plombier, qui, accroupi, réparait ses toilettes. Une fraction de seconde, ils se retrouvent mis à nus, vulnérables, mais sincères. Nick plonge dans un monde de couleurs vives, nous entrainant, comme par effraction, dans son monde caché, un univers mystérieux d’images et de monstres. Il n’aura de cesse d’y retourner, pour, au terme du voyage, y découvrir son temple intérieur.
Le trait de Will McPhail est léger et ses lavis rapidement posés. Il n’idéalise pas ses silhouettes, mais leur confie des rondeurs apaisantes. Son dessin est au service du texte. Seuls ses visages surprennent. Les yeux de ses personnages sont systématiquement écarquillés et soulignés d’un trait noir.
Ils évoquent ces bébés dont les yeux ronds, qui semblant manger leur visage, vous fixent d’un regard scrutateur. Se sentant jugé par cette innocence puérile, l’adulte est le premier à baisser les yeux. Un enfant bien élevé ne devrait pas dévisager les adultes. Pour notre plus grand bonheur, Nick n’en a cure. À lire, à relire et à méditer.
Stéphane de Boysson