DIIV étaient à Paris dimanche soir, et ont prouvé une fois encore leur grande classe dans le genre « shoegaze », tout en décevant un peu leurs fans de la première heure avec un set avare en purs moments de folie.
Le shoegaze, ce genre musical hypnotique, répétitif et souvent bien dépressif, né à la fin des eighties en Grande-Bretagne, est resté largement ignoré de l’autre côté de l’Atlantique. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas quelques exceptions, quelques groupes US qui ont été séduits, et se sont lancés dans la mêlée. Parmi eux, DIIV (prononcez « daïve ») sont incontestablement les plus notables : ils se sont construit une belle base de fans en France en particulier, et pour leur passage ce dimanche soir au Trianon, les places se sont vite arrachées : le petit théâtre affiche complet depuis pas mal de temps.
20h : en première partie, un jeune groupe belge dont on commence à parler, Noa Lee, ouvre la soirée. On attend beaucoup, on recevra peu : la déception est de taille. Voici donc une chanteuse qui maîtrise encore mal sa voix – une voix qui pourrait être belle -, des morceaux largement informes, et un trio de musiciens – guitare, claviers, batteries – qui peinent à jouer ensemble… Le premier quart d’heure de leur set est sinon désastreux, mais tout au moins passablement ennuyeux. Heureusement, on se réveille de temps en temps pendant le second quart d’heure avec quelques pics d’intensité, en particulier sur le final des chansons… ce qui nous laissera quand même à la fin sur une meilleure impression. Il reste qu’on a du mal à voir où est-ce que tout ça pourrait mener…
21h : l’ouverture du concert se fait de manière assez étonnante sur une vidéo – diffusée en fond de scène – d’un prêchi prêcha digne d’une secte : on nous annonce que DIIV vont nous offrir la chance de devenir de meilleurs êtres humains, « comme des chrysalides n’ayant jamais imaginé qu’elles pouvaient devenir des papillons ». Ok ! Nos amis slackers font preuve d’un second degré pour le moins corrosif… et ce d’autant que la plaisanterie se répétera deux fois dans la soirée. DIIV jouent donc un shoegaze puissant, impressionnant de maîtrise – en particulier lors des quelques (trop rares ?) morceaux rapides (on y reviendra). Ça ressemble à du Slowdive ou à du Cure joué par des Américains, pour faire simple. Il suffit de se laisser emporter par des rythmes envoûtants dans un univers tantôt sombre, et tantôt lumineux, sur lequel se greffent des textes parfois sociaux, politiques… illustrés par des projections de photos bizarres et de posts sur les réseaux sociaux effrayants ou hilarants, suivant le point de vue.
Si les voix sont malheureusement peu audibles depuis le premier rang, la musique reste pénétrante, souvent passionnante (… mais pas toujours…), et la présence scénique des musiciens est forte. On a d’ailleurs du mal à reconnaître au début un Zachary Cole Smith qui s’est coupé les cheveux et ressemble à un écolier ; en revanche, Andrew Bailey, placé en figure de proue du groupe même s’il ne chante pas, continue, dissimulé dans un hoodie et portant un pantalon de treillis, à déployer une énergie, des postures et des grimaces de psychopathe. A la basse, Colin agite sans trêve sa longue chevelure, alors que les lumières alternent l’éblouissement et l’obscurité.
La setlist nous offre la découverte de plusieurs titres du nouvel album qui sort ce mois-ci, ce qui nous oblige évidemment à une certaine concentration, surtout parce que ces nouveaux titres semblent a priori plus lents et plus calmes que les anciens. Il est même possible de s’ennuyer un peu par moments, ce que les habitués affirment n’avoir jamais fait aux passages précédents du groupe… Et, de fait, leur set très énergique à Rock en Seine nous avait laissé un souvenir plus frappant…
Il faut attendre le redoutable Blankenship pour retrouver le DIIV qu’on adore, et c’est alors un très grand moment de folie collective dans la fosse du Trianon… Le quatuor revient pour un rappel de trois titres, avec pour point d’orgue le fabuleux « tube » qu’est Doused, qui reste notre morceau préféré de DIIV !
A la fin, tout le monde se congratule d’avoir été là et se chamaille gentiment pour savoir si c’était mieux ou moins bien ce soir que d’habitude. Il est à notre avis indiscutable que DIIV sont en train de devenir un groupe majeur, peu à peu. Et que c’est beau d’assister à ça. Mais on ne peut nier que, s’ils nous gratifiaient d’un peu plus de moments de folie comme ceux que nous avons vécus ce soir sur Blankenship et Doused, nous leur en serions infiniment reconnaissants !
Texte : Eric Debarnot
Photos : Robert Gil