Voyage dans le temps et direction les 60’s, les yéyés, les musiques de films et un goût prononcé pour l’élégance pop avec Donna Blue et son deuxième album, Into the Realm of Love.
Duo hollandais composé de Danique van Kesteren au chant et de Bart van Dalen à la composition, Donna Blue se revendique porte étendard d’un revival pop sixties. Dark Roses, leur remarqué premier album sorti en 2022 avait posé les fondations de cet hommage musical, que ne fait que confirmer ce Into the Realm of Love, second bébé. Difficile de ne pas reconnaître les influences évidentes du couple. A l’écoute des différents morceaux, on pense évidemment yéyé, Gainsbourg, B.O de films vintage. Autant de sources qualitatives d’où ils puisent leurs inspirations pour en faire une nouvelle mouture.
La posture est pleinement assumée, on ne cherche pas ici à alambiquer le propos ou à alourdir l’instrumentalisation, c’est clairement de la relecture du cahier des charges du genre : on ne manque pas alors d’aller ajouter les meilleurs artifices propres à l’époque, d’un titre à l’autre, et le tour est diablement joué. Tantôt des cordes pour apporter un relief baroque sur les jolis Harmony Of Spheres ou The Hunter, tantôt des guitares western aux effets psychédéliques pour les brumeux In Blue et Fantasy Girl, parfaits objets pour les nostalgiques de Melody Nelson.
La retranscription de l’ambiance feutrée est très réussie, on se croirait vraiment revenu cinquante années en arrière. Il y a quelque chose de très cinématographique ici, il est facile de s’imaginer plein d’images, de photographies d’instants dans cette musique. The Hourglass pourrait être le parfait générique d’une série d’espionnage, Aphrodite être présent dans n’importe quel Tarantino, alors que Labyrinthe, et son interprétation très Bardot, serait potentiellement la musique d’une pub de parfum.
Slalomant entre anglais et français, Van Kesteren ajoute à son interprétation une jolie couche de glamour sensuel dans un style qui n’en manque déjà pas. Le côté Bonnie and Clyde du couple est très plaisant, il existe une forme d’alchimie, où le flegme d’une production soignée, épurée de monsieur trouve tout son écho dans le mysticisme, le romantisme désenchanté incarné par madame. Un bon point, et c’est d’autant plus compliqué dans ce genre d’exercice, l’opus ne verse pas non plus dans le trait forcé ou le stéréotype total. Donna Blue a assez d’intelligence et de ressources pour subtilement apporter sa pierre à l’édifice. On pense à ces rythmiques un peu plus jazzy, plus world sur White Horses ou On the Cusp of Love qui sortent le duo de sa zone de confort sans toutefois trahir leur ADN.
Sans réinventer la roue, fidèle à leur bagage culturel, le couple néerlandais s’affirme un peu plus comme de loyaux descendants de tout un pan de la musique d’une décennie encore fantasmée aujourd’hui. On peut y voir une voie trop facilement exploitable ou au contraire se laisser convaincre par le travail fourni, et s’offrir un petit voyage dans le temps l’espace d’une grosse demi-heure.
Alex de Freitas