Second volume d’une nouvelle série de polars sur l’Islande, qui se lit toujours comme on boit un verre de Brennivín, cul sec, sans respirer. Trahisons dans tous les sens. Amours déçus et trompés. Détournement de fonds. Maffia russe. Lilja Sigurdardóttir prend tout ça, agite, au shaker, et ça donne un excellent roman.
Autant le dire, et le rappeler, nous n’avions pas particulièrement aimé le précédent volume de cette nouvelle série entamée par Lilja Sigurdardóttir – Froid comme l’enfer chroniqué ici. Trop de personnages, trop d’histoires parallèles, trop de détails pas très utiles qui avait un peu gâché notre lecture. Cette fois, non. Enfin, si, mais le résultat est tout autre : Rouge comme la mer est franchement captivant.
On retrouve Aurora, qui cherche toujours sa sœur tuée dans le précédent volume, traque aussi toujours fraudeurs fiscaux et escrocs, et qui aime toujours autant se rouler dans les billets quand elle a été payée. On retrouve Daniel, toujours policier de son état, qui n’a pas abandonné la recherche de la sœur d’Aurora, en partie parce qu’il l’aime toujours… leur histoire d’amour va-t-elle se dénouer ? Encore faut-il qu’ils se croisent de nouveau. Ce sera chose faite suite à l’enlèvement de Gudrún, la deuxième femme d’un riche entrepreneur islandais, Flosi, et à la demande de rançon qui suit. Flosi peut tout à fait payer la somme copieuse qui est demandée, puisqu’il apparaît assez vite qu’il n’a pas gagné son argent uniquement grâce à sa compréhension du fonctionnement du monde des affaires. Il fricote avec les russes – il est maintenant clair que l’Islande, à mi-chemin entre l’Europe et les États-Unis, attire les convoitises d’un grand nombre de trafiquants et c’est ce que Lilja Sigurdardóttir dénonce en partie ici. Reste à savoir si ce sont les maffieux russes qui ont enlevé Gudrún ou pas. Aurora se retrouve impliquée dans l’affaire, ce qui la conduit à faire appel à Daniel…
On est rapidement pris par la multiplicité des coupables potentiels, plus crédibles les uns que les autres. Une sorte de Cluedo® dont on n’arrive pas à sortir vraiment, d’autant que Lilja Sigurdardóttir multiplie les personnages et les raisons qu’ils soient celui ou celle qui a enlevé la pauvre Gudrún. D’abord, on est persuadé que Flosi a fait le coup, parce que soit il est idiot, soit il encore plus malhonnête que ce qu’il semble être. E puis, c’est le tour de sa fille, oui il a une fille d’un premier mariage, qui déteste sa belle-mère et a l’air assez retors pour avoir fait le coup. Et puis il y a la première femme de Flosi, qui apparaît dans l’histoire aussi, qui semble être trop sûre d’elle et trop heureuse de profiter de la disparition pour refaire surface dans la vie de son ex-mari. C’est elle, pas impossible. Avec sa fille ? On se pose la question jusqu’au moment où on apprend que Flosi a une maitresse ; évidemment, pourquoi pas elle, qui a toutes les raisons d’avoir fair le coup : fragile, hypersensible, nerveuse, elle est enceinte et Flosi a promis de l’épouser. Bref, chaque personnage qui entre en scène est potentiellement coupable. Et pourquoi pas tous, tous ensemble ? Et ce jeu tient parfaitement la route jusqu’au bout, et un dénouement en partie surprenant.
Il y a que bien quelques invraisemblances. Dès la 2e ligne, le ravisseur demande deux millions en billets de 200 euros… Sans être habitué à enlever les gens, ce qui est mon cas, quelques polars et un peu de bon sens nous ont appris qu’il vaut mieux demander des petites coupures usagées (est-ce une indication de la suite ? On aime penser que Lilja Sigurdardóttir n’a mis ce petit détail par hasard). Aussi surprenant, Flosi, cet entrepreneur malin qui sait bien d’où vient son argent, ne montre jamais un seul instant qu’il puisse comprendre pourquoi on a enlevé sa femme… Mais ce ne sont que quelques petits écueils qui ne gâchent pas longtemps la lecture. L’histoire commence quasiment immédiatement et garde un rythme très soutenu tout au long des presque 300 pages que fait le roman.
Alain Marciano