Un récit qui fait voir la célèbre actrice sous un jour plus intime. Celle qui, après avoir souffert de la faim dans son enfance, se plaça au panthéon du septième art œuvra le reste de sa vie pour secourir les enfants victimes de la famine. Un hommage hélas quelque peu grevé par les bons sentiments.
Audrey Hepburn, actrice légendaire du cinéma américain, a marqué les esprits par sa silhouette délicate et ses yeux de biche. Mais derrière la façade glamour qu’elle a incarné à merveille durant sa carrière hollywoodienne, se dissimulait une femme authentique, traumatisée par la Seconde guerre mondiale et la barbarie nazie. Cette bande dessinée retrace la vie d’une personnalité aimée voire adulée mais au destin contrarié, une femme pour qui le bonheur simple semblait inaccessible.
Les yeux d’Audrey Hepburn ont fait briller mille étoiles dans les cieux d’Hollywood. Trente ans après sa mort, le neuvième art en récupère enfin les éclats pour rendre hommage à cette actrice, ô combien glamour, qui avait su conquérir les cœurs par sa grâce subtile et son humilité. L’an dernier, l’éditeur Michel Lafon avait ouvert le bal avec un portrait signé d’Eileen Hofer et Christopher. Cette année, c’est Glénat qui prend le relais en associant Jean-Luc Cornette à la plume et Agnese Innocente aux pinceaux. Si le premier est un auteur belge installé, plus connu pour son travail de scénariste que de dessinateur, la seconde est une jeune dessinatrice italienne avec une bande dessinée à son actif, Dieter est mort (Shockdom, 2021).
Cet ouvrage nous permet de découvrir que si Audrey Hepburn avait toutes les cartes en main pour connaître une vie heureuse, le destin semblait avoir introduit dans son microcosme un mauvais génie qui lui rappelait constamment, d’un air narquois : « Le paradis terrestre n’est pas fait pour toi ». Hepburn, véritable européenne avant l’heure, avait la nationalité britannique mais était née en Belgique d’un père avec des origines écossaise, irlandaise, française et autrichienne et d’une mère néerlandaise. Bien que d’extraction noble, elle connut la faim dans son enfance lors de l’invasion allemande aux Pays-Bas. Son père, qui avait lui-même des sympathies avec les nazis, était un flambeur doublé d’un coureur de jupons, qui laissa sa mère sur la paille en quittant le foyer familial. La suite de sa vie sera faite de paradoxes.
L’actrice connaîtra une ascension fulgurante dans le milieu du septième art et côtoiera le gratin culturel (dont Colette, qui la recrutera à ses débuts pour sa pièce Gigi jouée à New-York !). Elle tournera avec les plus grands acteurs et cinéastes américains. Pourtant sa vie conjugale fut loin d’être satisfaisante, et l’idylle avec Mel Ferrer se conclut par un divorce pétri d’amertume. Après un autre mariage raté, elle rencontra finalement l’acteur néerlandais Robert Wolders avec qui elle finira ses jours. Elle ne tournera plus beaucoup à partir des années 70, préférant se consacrer à l’humanitaire et défendre l’enfance aux côtés de l’Unicef. Audrey Hepburn fut emportée par un cancer en 1993.
Si on n’est pas trop difficile, on pourra peut-être apprécier cette biographie studieuse de la star hollywoodienne. En revanche, en étant plus pointilleux, on constatera que rien ne fonctionne véritablement, sur la forme comme sur le fond. D’un point de vue narratif, l’histoire reste très linéaire, sans réelle ambition dramaturgique, ne parvenant qu’à susciter l’ennui du lecteur. En outre, les ellipses récurrentes font qu’au final, la psychologie de l’actrice n’est que survolée. Le seul moment un peu marquant reste la séquence hollandaise, où l’on voit une jeune Audrey Hepburn au bord de la famine, après s’être réfugiée dans une cave pour échapper aux nazis, puis fuyant les bombardements avec sa mère. Une expérience qui la marquera durablement et justifiera par la suite son engagement à l’Unicef.
Cette monotonie dans la narration se retrouve dans le dessin, qui peine à soulever l’enthousiasme, à l’instar de la mise en couleur. Si Agnese Innocente est irréprochable pour le cadrage et les attitudes des personnages, son trait apparaît assez fade et les visages peu expressifs, pas toujours reconnaissables. La filiforme Hepburn est dotée d’un nez microscopique et d’yeux démesurés, sans que l’on puisse comprendre l’intérêt de les remplir de gribouillis circulaires assez laids, loin de l’image que l’on peut avoir d’un faon. Pourtant, la dessinatrice ne ménage pas sa peine pour tenter de nous arracher des larmes, en particulier vers la fin où l’actrice vieillissante est représentée aux côtés d’enfants nécessiteux du « Tiers-Monde » (comme on disait à l’époque). On voit ces derniers, marcher aux côtés de l’actrice, tels des clones miniatures. C’est très mignon, touchant peut-être, mais la ficelle lacrymale est un peu trop évidente, on craindrait presque de se noyer dans ce déluge de sensiblerie un peu appuyé.
Difficile de dissimuler sa déception pour un ouvrage dont on attendait plus que ce traitement un peu scolaire et gentillet, lequel ne parvient pas vraiment à susciter l’émotion et encore moins à refléter le rêve hollywoodien de l’époque et son glamour délicieusement désuet.
Laurent Proudhon