Dans la peau de Blanche Houellebecq est-il réellement un film, ou simplement un foutage de gueule improvisé par une équipe en plein délire ? Ça se discute, mais on a aussi le droit d’en tirer du plaisir !
Est-ce que ce nouveau film de Guillaume Nicloux, entouré de quelques fidèles, donne le sentiment d’une virée en Guadeloupe financée par Les Films du kiosque ? Oui, assurément. Le tournage à l’arrache, la part belle accordée à l’improvisation, l’absence à peu près totale de jeu des comédiens, les caméras à l’épaule allant chercher l’action là où elle survient et l’ambiance nonchalante échauffée par une beuverie et des substances qui ne semblent pas appartenir à la fiction le laissent clairement entendre.
Reste à savoir ce qui en résulte, et l’état dans lequel se trouvera le spectateur face à telle proposition, qui pourra opter pour un coma d’ennui à peu près similaire à celui de Michel Houellebecq durant les trois quarts du métrage, ou un plaisir amusé face à un délire qui, dans toutes ses imperfections et son foutage de gueule, parvient à garder une véritable authenticité.
Au-delà de la satire sympathique et pleine d’autodérision de l’ouverture, où Noé, Lebrun et Zadi semblent jouer un sketch écrit par les auteurs du Burger Quizz, le film se déroule surtout comme une extension de la série de Blanche Gardin, La meilleure version de moi-même, où la comédienne dézinguait son égotrip tout en proposant une réflexion acide sur l’époque. À la différence près qu’il s’agit désormais d’ôter toute velléité politique aux artistes, qui, comme elle l’explique, ne disent « que des conneries » lorsqu’ils parlent en dehors du travail. Une façon de botter en touche sur l’enlisement de l’auteur Houellebecq, à qui l’on posera quelques questions sur ses compromissions récentes sans qu’il soit en capacité d’y répondre, tandis que les faux pas (appropriation culturelle, colonialisme…) se multiplieront pour ces blancs en vadrouille dans un pays et pour un concours auxquels ils comprendront à peu près aussi peu de choses que le spectateur.
Bien entendu, tout est loin de fonctionner dans cette virée à rythme variable, et les soubresauts seront davantage liés aux effets psychotropes qu’à une véritable écriture. Mais dans ce marasme où tout est possible sans qu’on soit obligé d’exiger des explications, d’étreintes masculines à des explosions urbaines, en passant par Frankie Vincent chantant la Marseillaise, le délire en roue libre n’est pas dénué de charme, et peut aller jusqu’à provoquer l’hilarité lorsque le contre-champ à de nombreuses répliques inspirées se résume au visage édenté d’un vieillard cacochyme ayant décidé de se laisser porter en attendant la fin du monde.
Sergent Pepper