Glasgow 1975 : un incendie criminel provoque la mort de trois innocents, puis un cadavre est découvert à proximité, sur un tas d’ordures. Tel est le point départ de ce polar passionnant qui ausculte les failles et les plaies de la société écossaise.
Commençons par un aveu : jusqu’à présent nous étions passés à côté de l’œuvre de Liam McIlvanney, fils du grand William McIlvanney, auteur de Laidlaw, l’un des meilleurs polars britanniques. Et lorsque l’on a appris la parution de ce Retour de flamme, deuxième roman consacré à l’inspecteur Duncan McCormack, on a un peu hésité avant de se lancer dans la lecture de ce gros roman de presque 600 pages. En général, on préfère lire les séries romanesques dans l’ordre, en commençant logiquement par le premier. Heureusement, on a su faire taire ces hésitations et les premières pages de Retour de flamme nous ont vite rassurés : Liam McIlvanney est très habile et les informations nécessaires sont fournies à ceux qui n’ont pas lu le précédent volume (Le Quaker, 2019). Surtout, le récit commence par l’une de ces scènes qui permettent d’emblée de comprendre que l’on tient là un grand roman.
Tout commence avec un incendie : une femme et sa fille, enfermées dans leur appartement insalubre, sont prises au piège des flammes qui ravagent leur immeuble. Elles savent qu’elles ne survivront pas. Leurs cadavres et celui d’un inconnu seront retrouvés par les pompiers au milieu des décombres.
Après ce prologue aussi effrayant que remarquablement écrit, on assiste à la découverte d’un cadavre sur un tas d’ordures. L’inspecteur McCormack est chargé de l’affaire. Fort peu apprécié de ses collègues depuis qu’il a dénoncé un haut gradé corrompu, McCormack est surveillé de très près par ses supérieurs qui ont glissé une taupe dans son équipe. McCormack n’a donc pas le choix : il est contraint d’accepter cette nouvelle affaire, alors même qu’il mène depuis des semaines une autre enquête afin de faire tomber le parrain de la pègre de Glasgow, Walter Maitland. Ce sont ces trois fils narratifs (l’incendie, le meurtre, la pègre) qui composent le roman et, on s’en doute assez vite, ils finiront par s’entremêler grâce à une intrigue particulièrement dense mais d’une très grande habileté. Retour de flamme, et c’est là l’un de ses principaux mérites, est donc un roman policer passionnant, de la première à la dernière page : pas une longueur, pas un seul passage inutile tout au long de ces 600 pages.
Mais l’ambition de Liam McIlvanney ne s’arrête pas à cette maestria narrative. Ses personnages – les principaux comme les secondaires – se révèlent eux aussi complexes et intéressants. Et, comme dans tout bon polar, McIlvanney construit des personnages de policiers qui gagnent peu à peu en épaisseur : McCormack, évidemment, flic homosexuel dont tout le monde se méfie. Mais on pense aussi à l’inspectrice Nicol, l’adjointe de McCormack, une femme flic qui cherche quant à elle à se faire une place dans une police majoritairement masculine. Les criminels ne sont pas en reste, notamment Kidd, une petite frappe qui rêve d’un destin dans le gang de Maitland, et qui va se révéler de plus en plus intéressant à mesure que l’intrigue progresse.
Enfin, à l’instar de son compatriote Alan Parks auquel il faut un clin d’œil appuyé dans le roman, Liam McIlvanney a choisi de situer l’intrigue de son roman dans le Glasgow des années 70, en 1975 pour être exact. Ce recul historique lui permet de peindre un tableau saisissant de la ville et de multiplier les thèmes. Les tensions religieuses, les inégalités sociales, le sort des enfants placés, la corruption policière, l’homosexualité : l’intrigue brasse tous ces sujets, et bien d’autres, avec un talent qui, par endroits, rappelle le James Ellroy du Quatuor de Los Angeles. Et si Liam McIlvanney n’atteint pas tout à fait les sommets fréquentés l’écrivain américain, force est de reconnaître l’ambition et l’efficacité de ce Retour de flamme, assurément l’un des grands polars de ce début d’année.
Grégory Seyer