Ariane Louis-Seize signe une comédie mélancolique sur le passage à l’âge adulte en mode vampire qui, si elle réserve peu de surprises et de variations quant à son déroulement teen-moviesque, tire sa force principale des belles interprétations de Sara Montpetit et Félix-Antoine Bénard.
Sasha est un vampire pas vraiment comme les autres : elle répugne à mordre les humains pour s’abreuver de leur sang, au grand dam de sa famille toujours prompte, elle, à planter les crocs à la moindre jugulaire qui passe. Ce qui peut poser problème puisqu’il faut bien se nourrir, et puisqu’elle est une créature de la nuit condamnée à tuer pour survivre. Paul, lui, est un garçon tellement pas bien dans sa peau qu’il est constamment habité par cette envie d’en finir. Deux personnages en décalage avec la vie et en affinité avec la mort qui, évidemment, ne pouvaient que se rencontrer et nouer une relation étrange basée sur le besoin de se sustenter pour elle et le désir de disparaître pour lui.
Est-ce une comédie noire à l’humour… mordant ? La chronique d’un apprentissage, d’un passage à l’âge adulte aux atours spleeniques ? Un pastiche du genre et des codes, pince-sans rire et dans l’air du temps ? Un peu des trois en vérité, et Ariane Louis-Seize et sa coscénariste Christine Doyon s’amusent des situations auxquelles Sasha et Paul sont confrontés où l’acte de (se) donner la mort questionne leurs limites et leur identité profonde, avant que le récit n’aborde un autre questionnement qui met les deux ados (bien que Sasha ait déjà 68 ans) en émoi : celui des premiers sentiments amoureux (la scène où ils écoutent Emotions de Brenda Lee est un petit bijou de poésie et de tendresse).
Si le scénario, au-delà de sa jolie rencontre entre misfits mélancoliques, réserve finalement peu de surprises et de variations quant à son déroulement teen-moviesque (sans parler d’un développement plus que succinct concernant les personnages secondaires) le film, lui, tire sa force principale des magnifiques interprétations de Sara Montpetit et Félix-Antoine Bénard. Elle avec ses faux airs de Mercredi Adams qui aurait trop regardé Only lovers left alive, lui en ado malingre au regard interloqué qu’on dirait échappé d’un Tim Burton des grands jours, et dont les visages et expressions disent toute l’innocence et tous les doutes de leur condition : deux êtres marginalisés ne sachant pas comment s’y prendre avec cette grande (et terrible) aventure qu’est l’existence.
Michaël Pigé