En Attendant Ana ont confirmé hier soir, dans un Trabendo complet et enthousiaste, la pertinence et l’efficacité de leur démarche musicale désormais plus pop, plus légère qu’à leurs débuts. Et que nous tenons là un groupe essentiel de la scène française actuelle.
Quel chemin parcouru par En Attendant Ana depuis leurs débuts « garage » de 2016 ! Au fur et à mesure que leur musique se complexifiait, intégrait des influences de pop sophistiquée (de la scène néo-zélandaise autour du label Flying Nun, d’ailleurs citée sur la sono avant le set, à Stereolab), le succès s’amplifiait, jusqu’à un Trabendo complet ce soir. Et complet d’un public très amoureux de son groupe, ce qui est encore plus important…
20h : … et d’ailleurs, nous nous faisions la remarque que ce n’est encore pas si fréquent de voir un groupe d’outre-Manche faire la première partie d’un groupe français, comme c’est le cas ce soir avec A Ghost Column. A Ghost Column, c’est une toute nouvelle formation – ils déclareront n’en être qu’à leur quatrième concert ! – autour de la chanteuse Victoria Hamblett, jeune femme assez timide, au chant éthéré, qui a déjà fait partie de différents groupes, comme Crack Cloud. Le quatuor joue une sorte de dream pop qui louche quelque fois vers le shoegaze, mais il est clair dès les premiers morceaux que cette musique est encore en phase de construction : on ressent très vite un sentiment d’uniformité, de manque de forme dans ses chansons qui semblent toutes semblables. L’ennui nous gagne rapidement, même si des applaudissements polis rassurent la chanteuse qui n’a jamais vraiment l’air très à l’aise. Parmi les musiciens, c’est indiscutablement le batteur, à la frappe très précise et élégante, qui impressionne le plus, et c’est d’ailleurs lorsque l’aspect rythmique de la musique s’intensifie qu’elle devient plus intéressante. Quelques poussées plus intenses, trop rares, laissent espérer que le groupe trouvera sa voie. Il est clairement trop tôt pour porter un jugement clair sur A Ghost Column…
21 h 10 : C’est avec Magic Lies, leur tout nouveau single, que En Attendant Ana ouvrent leur set : la voix de Margaux Bouchaudon, toute souriante et jamais avare d’échanges spontanés et amicaux avec son public chéri, est parfaite, tandis que la basse de Vincent Hivert (co-producteur de Principia et élément essentiel du son actuel du groupe) rebondit allègrement. Une touche de trompette, une guitare qui carillonne, et En Attendant Ana déploient leur charme.
The Cutoff, plus enlevé, marque le véritable début d’un set de près d’une heure et quart qui sera principalement consacré à Principia, le dernier album du groupe, qui a désormais un an, presque jour pour jour : huit titres sur dix en seront interprétés, ce qui laisse peu de place aux anciens morceaux, et aux débuts garage qui semblent désormais relever d’une page définitivement tournée. Le son est parfait, les lumières généreuses, ce qui devient rare de nos jours : on appréciera même ces fascinants « tunnels de fumées » autour des lumières blanches du fond de la scène du Trabendo, que l’on admire souvent dans cette salle, et qui fonctionnent parfaitement avec la musique parfois rêveuse du groupe.
Une jolie citation de Sacha Distel – Ces mots stupides, la chanson de Sinatra – rappelle que Margaux paie régulièrement son tribut à la chanson française des sixties, mais il faut bien reconnaître que nous préférons quant à nous le rythme plus soutenu d’un Anita où le chant quasi bossa-nova de Margaux, le saxo rêveur de Camille Fréchou et la guitare nerveuse de Maxence Tomasso (dont on apprend qu’il va se retirer un moment du groupe pour cause de nouvelle paternité…) s’assemblent pour construire ce son si original de En Attendant Ana. Same Old Story en est aussi une illustration idéale, faisant monter l’impression d’enchantement, avant une conclusion ébouriffante, en mode crescendo, sur un Wonder où le groupe fait enfin parler la poudre. Et qui, rétrospectivement, nous fait regretter que le set n’ait pas intégré plus de tels moments où En Attendant Ana nous rappellent qu’ils peuvent être aussi un foutu groupe de Rock.
Rappel généreux, mais surtout mémorable grâce à l’interprétation – surprenante a priori – du classique du folklore irlandais, I’m a Man You Don’t Meet Everyday, immortalisé par les Pogues : un très émouvant hommage à Shane McGowan, disparu en novembre dernier, qui montre également que En Attendant Ana ont la capacité d’aller explorer d’autres styles musicaux.
La « tournée Principia » touche à sa fin, et ce set triomphal au Trabendo en constitue une jolie conclusion. Espérons que le groupe poursuivra son évolution de ces dernières années et continuera à nous enchanter…
Texte : Eric Debarnot
Photos : Robert Gil
Merci d’avoir formulé tout le bien que nous avons ressenti lors de ce concert. Ghost Column en harmonie parfaite en tant que guests et qu’on aimera revoir au plus vite. Et les EAA qui ont fait salle comble et c’est un grand bonheur. N’oublions pas Adrien batteur véloce et, si j’ose dire, percutant. Pour les avoir vus à Brighton, devant un public qui en grande majorité ne les connaissait pas, je peux vous assurer que leur charme opère sans difficulté.