La relecture « au ralenti » du film de casse de Los Delincuentes fonctionne durant une moitié de film, avant que le film ne confonde liberté et roue libre.
Pourquoi alors qu’il fait partie de la vague du Nouveau Cinéma argentin débutant en 1998 Moreno a-t-il attendu aujourd’hui pour être dans les radars critiques en France ? Sans doute parce qu’El Custodio (le garde du corps), film centré sur les tourments existentiels d’un garde du coups, fut son seul film distribué en salles en France. A l’inverse d’autres cinéastes de la même vague au travail plus abondamment diffusé dans l’hexagone tels qu’une Lucrecia Martel ou un Pablo Trapero.
Remarqué dans la section Un Certain Regard à Cannes en 2023, Los Delinquentes est un film au postulat inspiré d’un classique argentin de 1949 signé Hugo Fregonese : L’Affaire de Buenos Aires, film de casse ayant bien digéré l’influence formelle du Film Noir américain des années 1940. Moreno reprend au film le concept de l’employé qui vole sa banque, planque le butin et se constitue prisonnier en espérant récupérer l’argent à sa sortie. Avec en toile de fond l’utopie d’une vie sans travail. Le film s’ouvre par une superbe introduction peu bavarde posant le décor urbain de Buenos Aires et suivant la trajectoire de l’argent vers le coffret fort d’une banque. Avec le « héros » Morán, employé de banque regardant brièvement les codes de sécurité, comme pour annoncer son futur projet de casse. Le but : ne plus avoir à travailler, avoir une vie de salaire à dépenser tout de suite.
Un projet dont la mise en place, l’exécution et les conséquences sont racontées au travers d’un étirement des plans jusqu’à plus soif. Il s’agit de montrer le temps pour convaincre le collègue Román de planquer le fric, l’angoisse de ce dernier d’être reconnu comme complice, les efforts pour planquer argent sans que sa compagne le sache. Le tout avec des moments d’humour et/ou d’ironie : le détenu nommé Garrincha à l’instar du mythique footballeur brésilien, la difficulté de planquer de l’argent quand on est pas braqueur de métier… Et sans trop en dire une « gestion » du casse par la banque en disant long sur la crise argentine.
Le film est très réussi tant qu’il donne une version étirée d’un récit de genre classique. Mais il se perd à mi-parcours en décidant d’emprunter d’autres chemins. En sus d’avoir une partie de son casting déjà vue dans les productions El Pampero Cine, le film se rapproche alors de l’esprit des films du collectif : clins d’œil au western et au road movie, personnages féminins d’une grande liberté, rappel que tout ceci n’est « que » cinéma… Sauf que le récit confond alors liberté narrative et roue libre. Il y a encore de bonnes choses mais ça part dans tous les sens.
La première moitié de Los Delincuentes suffit à garder une trace positive du film mais il reste à espérer que Moreno ne jouera pas inutilement les prolongations la prochaine fois.
Ordell Robbie