Seulement 3 ans après la BD de Prosperi Buri sur le Velvet Underground, voici une nouvelle approche de l’histoire de ce groupe séminal qui réinventa radicalement la musique entre 1966 et 1970 : précis, bien documenté, voici un biopic respectueux du mythe qui ravira les fans…
Les fans du Velvet Underground, ce groupe qui a complètement défini à lui seul les contours du demi-siècle de musique (au moins dans le Rock) qui suivit, n’ont certainement pas oublié le drôle de livre publié en mars 2021 par Prosperi Buri : Une histoire du Velvet Underground. Repeint en rose avec une bonne dose d’ironie, le mythe était gentiment bousculé, sans pour autant perdre de son mystère sous le regard iconoclaste de l’auteur. The Velvet Underground – Dans l’effervescence de la Warhol Factory est toute autre chose : beaucoup plus factuel, bien documenté et régulièrement très précis dans la description des origines du groupe, depuis la jeunesse de Lou Reed et John Cale jusqu’à leur intégration dans le monde d’Andy Warhol, il a nettement plus de chances de plaire aux fans, justement…
D’origine israélienne, Koren Shadmi s’est senti dès son adolescence « étranger » à ce que la société attendait de lui comme homme, voir ensuite comme militaire, et le dessin devient un échappatoire, une passion nécessaire à sa santé mentale précaire. A 19 ans, l’écoute de l’album à la banane » du Velvet est une révélation pour lui, suivie de la découverte des tourments – similaires aux siens, dans une certaine mesure – qui furent ceux de Lou Reed et de John Cale, qui donnèrent naissance à cette musique jamais encore entendue, qui allait nourrir ensuite plusieurs générations d’artistes. Il s’installe alors à New York pour rejoindre une école de dessin, et y trouve quelque chose qui subsiste encore des années 60-70. Pour la conception de ce biopic, son projet initial est de centrer son récit sur Warhol, évidemment essentiel à la naissance et à la réussite (au moins artistique) du groupe, mais peu à peu, c’est la relation et les conflits entre John et Lou qui s’imposent comme le véritable cœur de l’histoire. Et c’est bien là ce qui fait la spécificité et l’intérêt de ce livre, qui travaille de manière plus profonde que les autres le parcours intime des deux hommes.
L’aspect négatif, le seul, de l’approche, est que la seconde partie de l’histoire, une fois John parti, est parcourue rapidement, alors qu’il y a évidemment des choses que tout fan du groupe aimeraient aussi approfondir, mais on comprend la nature profondément personnelle du travail de Shadmi.
Formellement, le travail graphique de Shadmi est très sage, avec un gaufrier classique (mais sur fond noir plutôt que blanc), des dessins dépouillés et ultra-lisibles, des couleurs sombres (forcément) souvent attrayantes, tandis que la représentation des visages « réels » des personnages, si elle n’est pas toujours parfaite, évidemment, reste toujours correcte. Bref, un livre qui se lit avec facilité et plaisir, même si on pourrait évidemment objecter que l’approche musicale anti-conformiste, agressive du groupe, aurait peut-être mérité une illustration plus audacieuse, plus cohérente avec le propos du biopic, qui est quand même une célébration de la « marge » et de la provocation artistique. Et que les décors urbains d’une New York dangereuse et délabrée qui était celle de l’époque sont ici traités avec une « propreté » du trait décalée avec la réalité d’alors…
The Velvet Underground – Dans l’effervescence de la Warhol Factory passionnera forcément les fans, pourra aussi éduquer les novices découvrant le groupe : voici un ajout somme toute indispensable à la collection de tout passionné de musique…
Eric Debarnot