A partir d’une idée passionnante, Constellation se met à tourner en rond et ne débouche pas sur grand-chose de consistant, malgré des qualités indéniables.
Jo Ericsson est une scientifique travaillant à bord de l’ISS, quand la station est heurtée par un projectile non identifié : l’un de ses collègues meurt dans l’accident, et Jo a bien des difficultés à retourner sur Terre avec les ressources limitées dont elle dispose. Mais le cauchemar de Jo commence réellement lorsque, de retour chez elle, elle constate des différences troublantes entre la réalité et ce dont elle se souvient…
A partir de ce pitch intriguant, et après une introduction spatiale remarquable – on peut y retrouver des échos du Gravity de Cuarón -, Constellation est construit sur des allers-retours temporels, mais aussi entre différentes versions d’une réalité qui peuvent témoigner du déséquilibre psychique de l’héroïne. La série de Peter Harness va aller explorer, dans un effet-miroir littéral (les scénaristes sont allés jusqu’à appeler Alice la petite fille qui a accès à ce que les adultes ne comprennent pas… quelle subtilité !), les troubles dont souffriraient les astronautes au retour de leur séjour dans l’espace. Entre complot toujours possible – surtout du côté russe, évidemment -, conséquences tangibles des lois de la physique quantique et de la théorie de Schrödinger, et désordres mentaux, il y a évidemment du grain à moudre, mais le scénario ne sait ni choisir son véritable sujet – ce qui amènera à une conclusion parfaitement lénifiante -, ni jouer assez finement des ambiguïtés.
On comprend relativement rapidement de quoi il retourne, ce qui prive Constellation de toute réelle énigme : il ne nous reste plus alors qu’à nous intéresser aux problèmes de couple de Jo, et à son rapport perturbé à la maternité, soit quand même le strict minimum syndical. Car qu’un couple ou une famille fonctionne mal quand la maman est une chercheuse totalement dédiée à son travail et qui s’absente de long mois dans l’espace, n’est pas une réelle surprise !
On pourra donc trouver le temps long alors que les épisodes nous baladent dans une répétition des mêmes doutes et des mêmes conflits, et alors que les scénaristes surestiment clairement l’intelligence de leur histoire, qui joue surtout sur les cartes de la confusion et du flou pour contourner ses failles logiques. Le plus gros échec de Constellation est son incapacité à traiter correctement tout le fil narratif autour de Henry et Bud Caldera, qui est pourtant le plus intrigant…
Alors, pourquoi regarder Constellation jusqu’au bout ? Parce que Noomi Rapace et Jonathan Banks sont deux acteurs fascinants, l’une dans son expression sans fard de la douleur et l’autre dans ce mutisme qui semble dissimuler une méchanceté brutale, et que les voir lutter pour survivre dans un labyrinthe mental offre de jolis moments de cinéma. Parce que la réalisation est efficace, voire même élégante – le meilleur étant la mise en scène des deux premiers épisodes par Michelle MacLaren, vétérane de la série moderne et responsable entre autres de la réalisation de 11 épisodes de Breaking Bad. Parce qu’il y a ici – comme souvent dans les séries Apple TV+ – une qualité de la production, des effets spéciaux et des décors qui aide fortement à crédibiliser une histoire aussi « fragile ». Bref, du très beau boulot, très professionnel, au service d’un script déficient.
Eric Debarnot