Plus réussi que son populaire prédécesseur, l’assassin Eighteen poursuit l’exploration d’un univers d’espionnage fantasmagorique et cauchemardesque, où technologie avancée, violence extrême et idéologies criminelles font bon ménage. Addictif.
Bien entendu, le titre du nouveau roman de John Brownlow fait office de spoiler pour quiconque a lu auparavant l’agent Seventeen, le premier tome de cette pétulante nouvelle saga d’espionnage (on utilise le mot « saga » car on a du mal à croire que, face au succès qu’a recueilli le premier livre, Brownlow en reste là !), mais de toute manière l’intérêt n’est pas dans la fin de la trajectoire de Seventeen, le « sympathique » et ultra-efficace tueur à gages. Car toute bonne histoire est un voyage où les étapes importent plus que la destination finale : et on parle ici d’un voyage à travers un monde imaginaire qui ressemble beaucoup au nôtre (en particulier en ce qui concerne les inconcevables menaces qui planent sur la société quand les armes informatiques les plus radicales tombent aux mains d’extrémistes religieux), mais qui en est suffisamment différent pour nous faire rêver (ou cauchemarder).
Ce second volet démarre quelques mois après la fin du précédent, avec Seventeen terré dans sa villa ultra-protégée dans un trou perdu, et déstabilisé par sa récente rupture amoureuse. N’attendant plus rien de la vie, il accueillerait avec soulagement la balle du prochain assassin ambitionnant de devenir Eighteen… Mais la balle qui va le frapper va en fait ouvrir un nouveau chapitre, inattendu, de son histoire, et l’entraîner dans la traque d’une arme ultra-sophistiquée qui, si elle tombait entre de mauvaises mains, signifierait une destruction quasi totale de notre civilisation.
En injectant cette fois plus d’éléments sentimentaux, émotionnels dans son roman, Brownlow a rendu un fier service à son personnage principal, qui, pour le coup, cesse d’être un crétin cynique et pas très sympathique, pour devenir quelqu’un d’intéressant, avec des affects complexes, et auquel on peut enfin s’identifier : handicapé de l’amour familial comme de l’amour romantique, Seventeen va faire ici un véritable parcours « vers la lumière » qui équilibre beaucoup mieux le livre, qui ne se réduit plus simplement à une enquête policière menée à deux cent à l’heure et parsemée de coups de force invraisemblables et de scènes d’action échevelées. On se préoccupe beaucoup plus du sort des personnages que dans le premier livre, et, du coup, on passe plus facilement sur les péripéties délirantes, du genre : je survis à une chute depuis le haut d’un gratte-ciel new yorkais, ou encore je réussis à me sortir d’une balade à la nage dans les eaux polaires alors que je suis canardé par des agents des services secrets russes…
Ce qui n’a pas changé, par contre, c’est l’impressionnante maîtrise de la narration et de la tension dont fait preuve Brownlow, nous maintenant à bout de souffle, sur le bord de notre siège, durant les presque 600 pages de son thriller épileptique.
L’assassin Eighteen a reçu le Prix Ian Fleming du roman d’espionnage, mais, contrairement à ce que clament ses laudateurs, on pense plus ici à Mission : Impossible qu’à James Bond ou Jason Bourne. Ce qui n’est pas la pire des références d’ailleurs. C’est juste dommage que Tom Cruise soit désormais trop âgé pour interpréter le rôle de Seventeen !
Eric Debarnot