Plus d’une décennie après des débuts tonitruants, Vampire Weekend viennent rappeler tout leur talent mélodique sur Only God Was Above Us, cinquième album du groupe, entre calque de la discographie et évolution d’une signature sonore majeure de l’ère contemporaine.
Si le sommet de la hype du groupe est très certainement derrière eux, voir réapparaître le nom de Vampire Weekend a quelque chose de l’ordre de la madeleine de Proust, et fera toujours son petit effet sur toute une génération. Une institution de la musique indé aux tournants des années 2010, devenue l’un des mastodontes du genre le temps d’une trilogie de premiers albums chéris par la profession, les critiques et surtout le public. Vampire Weekend, Contra puis Modern Vampires of the City ont clairement marqué leur temps en même temps qu’installé durablement le band new-yorkais, notamment Ezra Koenig et Rostam Batmanglij, les deux cerveaux principaux, plébiscités depuis par l’ensemble de la pop.
Puis ce dernier de décider de quitter officiellement – et en bons termes – l’aventure. Perdre une telle force créatrice a forcément conduit à un déséquilibre qu’il a fallu apprendre à gérer et c’est ainsi qu’il aura fallu pas moins de six ans et 2019 pour revoir VW pointer le bout de son nez. Une éternité dans le milieu musical. Father of the Bride rappelait alors le talent de la troupe, dans un genre quelque peu différent, où Koenig devenu seul maître à bord, fit appel à des talents extérieurs, de Ronson à Steve Lacy, en passant par HAIM ou Chromeo. Un pool hétéroclite pour un pot-pourri très plaisant certes, mais moins frappé du sceau du groupe.
Ce cinquième album, Only God Was Above Us, annonce un retour aux sources, s’appuyant sur son socle de base du trio restant : Ezra + Baio à la basse + Tomson à la batterie, même si Rostam n’est jamais bien loin et vient donner un petit coup de main bienveillant dans le studio, tout comme Ariel Rechtshaid, un collaborateur récurent.
Un revival évident dès les deux singles sortis en amont du disque, Capricorn et Gen-X Cops. En deux morceaux, on retrouve la signature sonore si propre à Vampire Weekend : composition mélodique généreuse avec des instruments à n’en plus finir pour le premier nommé, guitares stridentes sur ambiance pop/surf-rock pour le second. Propre, impeccable, il a suffi d’une pièce pour remettre le jukebox en état de marche.
Un simple fan-service alors ? Oui et non. La pâte est certes la même: mélange indie-pop, world music, un peu de rock ci et là, des cordes, des chœurs. L’affiliation avec la douceur de Contra, la nostalgie et l’amour de NY de Modern Vampires… est évidente, totalement assumée même. Mais ces garçons sont bien trop malins et pointilleux pour resservir la même tarte.
C’est ici toute la force du groupe, réussir à se réinventer sans opérer de virage artistique brusque. Ce qu’ils font, ils le font bien et parviennent à être d’une justesse mélodique impressionnante. A défaut d’être incroyablement originales, les idées sont toujours brillantes. Là où Pravda et Mary Boone seront des symétries très sympathiques de certains titres de la discographie, on peut compter sur le magnifique Connect, l’introducion Ice Cream Piano ou The Surfer pour devenir de nouvelles pierres angulaires dans la collection de plus en plus conséquente de leurs chefs d’œuvre.
Soyons clairs : si vous n’avez jamais supporté la musique de Vampire Weekend (oui, il y en a !), passez votre chemin sans jamais vous retourner. Ce n’est pas aujourd’hui que vous aurez une révélation, le groupe poussant son curseur sans doute au max’ avec ce qui ressemble à son opus le plus authentique, le plus global de leur ADN en tout cas. Pour tous les autres, il y a de quoi se réjouir de voir et entendre qu’après 15 ans d’une carrière que l’on peut désormais découper en deux parties entre la fraîcheur des débuts et la maturité d’aujourd’hui, il n’y ait pas une rupture dans la qualité.
L’histoire d’amour évolue mais persiste. C’est beau.
Alexandre de Freitas