Pour son premier album, Fabiana Palladino vient se faire un prénom dans une famille de musiciens renommés, du papa funky au frère jazzman. Plus pop et R&B vintage, le groove est bel et bien dans l’ADN.
Jai Paul et Pino Palladino. Deux noms à priori dissemblables sur le papier, bien que chacun fasse frémir à sa manière les amoureux de musique. Le premier, aussi mystérieux que culte pour toute la génération Myspace/Soundcloud avec un vrai-faux album au statut de légende urbaine, le second, bassiste de renom à la signature funk pleine de groove aussi bien chez Elton John, Jeff Beck que D’Angelo.
Quel dénominateur commun entre ces deux garçons donc ? Il tient en une identité: Fabiana Palladino. Les plus perspicaces établiront rapidement un lien de filiation par patronyme, Pino étant le papa de. Pour l’autre, il s’agit d’un lien contractuel/artistique puisque Fabiana fut l’une des premières signatures du label Paul Institute.
Le parallèle est important, il permet de comprendre et appréhender les sources du bagage musical de l’artiste britannique, quelque part entre le groove du R&B des années 90’s et la pop luxuriante de la même époque. Auxquels il faut ajouter une bonne louche de bedroom pop/DIY bien d’aujourd’hui pour remettre tout ça au goût du jour et ne pas être un simple exercice de style de revival.
Ce premier album éponyme, réfléchi et travaillé depuis de nombreuses années, tient sur l’équilibre des forces entre morceaux rythmés, petits tubes en puissance et balades downtempo à l’aspect de bluettes introspectives, laissant place à l’émotion. Deux facettes bien distinctes qui se complètent très bien au gré des inspirations de Fabiana. Maligne, elle avait choisi un single dans chaque catégorie pour lancer la promo de l’opus avec d’un côté le très doux I Care (en compagnie de Jai Paul, sorti de sa tanière, petit événement!) et de l’autre Stay With Me Through the Night.
Cette dichotomie se décline tout du long sans jamais marquer une sécession stricte pour autant. On jongle de l’un à l’autre de manière naturelle, le fil conducteur ne s’en trouve pas bazardé pour autant. L’homogénéité réside dans la qualité des productions, cette manière de faire de la pop à la fois sophistiquée et accessible à tous. Il faut quand même s’incliner devant ce talent tout-terrain où elle compose, écrit, interprète avec une facilité déconcertante. Quand on sonne – toutes proportions gardées – comme Janet Jackson (Can You Look in the Mirror), Prince (Shoulda) ou Timbaland (In the Fire) à la fois, c’est que l’on a de l’or entre les mains.
Les comparaisons flatteuses ne veulent pas dire que la demoiselle manque de personnalité, bien au contraire, elle synthétise les différentes forces, se les approprie pour en faire une sauce personnelle. La pépite Deeper est le sommet et la somme de ce que Palladino peut offrir au monde.
Il ne serait guère étonnant de la retrouver dans un futur proche aux crédits de titres pour les pontes mainstream, elle que l’on a déjà pu voir jusqu’ici aux côtés de jolis noms tels que Jessie Ware ou Sampha.
Venue confirmer tout le bien que l’on pensait d’elle, Fabiana Palladino relève haut la main le défi du premier album. Le talent était évident, il suffisait de le mettre définitivement sur table sur la durée, d’enchaîner les tracks de qualité sur un format long et c’est peu dire que la barre est franchie. L’avenir s’annonce radieux.
Alexandre De Freitas