Après le formidable Underground, Arnaud Le Gouëfflec et Nicolas Moog se replongent dans l’histoire de la musique du XXe siècle pour rappeler ce que fut la scène rock alternative des années 80. Une BD foisonnante et passionnante.
Tout récemment, sur France 5, on célébrait le punk, dans un documentaire plein de nostalgie, qui remontait à la source de ce mouvement apparu dans les années 70, et qui a ensuite donné naissance, au début des années 80, à ce que l’on a appelé par la suite le « rock alternatif ». Parmi les groupes français les plus mémorables, on pourra citer La souris déglinguée, Le Thugs, Washington Dead Cats, Ludwig Von 88, Parabellum et tant d’autres qui se sont formés à Paris ou en Province durant ces années 80, inspirés pour certains beaucoup par Bérurier Noir. Une formation emblématique, fer de lance de toute une génération de jeunes qui ont fait du rock sans forcément savoir jouer de la guitare, et qui ont rejoint cette scène alternative dont la puissance n’a plus jamais connu d’égal en France par la suite.
Pendant qu’on salue l’aventure Bérurier Noir à travers une exposition à la BNF de Paris, Arnaud Le Gouëfflec (textes) et Nicolas Moog (dessin) – auteurs déjà de l’excellent Underground en 2021 – sortent Vivre libre ou mourir (en référence à une chanson des Bérus). Une BD dans laquelle ils retracent l’histoire de ce courant à travers la biographie, en premier lieu, des Bérurier Noir, mais également des groupes cités plus haut. L’occasion, pour celles et ceux qui ont vécu cette époque, ou pour les jeunes curieux de savoir ce qu’écoutaient leurs rebelles de parents, de (re)découvrir cette génération incroyable qui a été le ciment du rock alternatif en France, dans les années 80.
Préfacé par Loran du groupe Bérurier Noir, cette bande dessinée raconte chronologiquement l’histoire de tous ces groupes, connus et moins connus, de ces hommes et femmes qui ont contribué à faire vivre ce mouvement musical mais aussi politique et artistique. Présenté comme une bédé documentaire, Vivre libre ou mourir est rempli d’interviews, de témoignages d’acteurs de l’époque de ces années Mitterrand (1981-1989).
Ainsi, on pourra découvrir les souvenirs et les anecdotes de Loran, Laul, Masto, Marsu, Les Titis (Bérurier noir), Karim (Ludwig Von 88), Didier (Les Wampas), Géant vert (Parabellum), Jean-Yves Prieur, K. K. (Bondage Records) mais aussi ceux de Virginie Despentes et de bien d’autres encore, pour comprendre comment se sont fédérés tous ces groupes, ces labels indépendants, comment s’organisaient les concerts, les tournées, et aussi comment tout ce mouvement est mort, par usure, grosso modo à la fin des années 80.
10 ans d’engagement, de militantisme politique et musical, de discours anti FN au moment où le parti de Le Pen commençait à monter dans les scores lors des différentes élections.
Un livre magnifique, extrêmement émouvant pour ceux qui ont connu cette époque, qui ont vibré, hurlé, chanté au son de Concerto pour détraqués des Bérus ou du Houlala des Ludwig. 176 pages portées par le dessin réaliste de Nicolas Moog, en noir et blanc, dans un style plein de nuances et de clins d’œil, parfait pour accompagner le récit d’Arnaud Le Gouëfflec qui raconte au tout début du livre comment il est tombé dans cette musique à l’âge de 12 ans, quand, un jour, il a entendu la musique des Bérurier Noir sur une cassette.
A noter qu’à la fin du livre, une indispensable discographie vous attend, histoire de vous remettre les titres de l’époque en tête, avant d’aller voir sur youtube si tout ça s’y trouve.
Benoit RICHARD