Membre du groupe indie-pop Coming Soon et du duo Mont Analogue, Ben Lupus nous propose avec Forêts futures un livre-disque singulier, hétéroclite, et souvent très beau.
Dans Forêts futures, le livre-disque de Ben Lupus, on trouve une phrase qui nous semble assez bien résumer sa démarche : « A défaut d’être un grand artiste, j’essaie d’être un bon artisan ». Le projet Forêts futures relève en effet d’une sorte d’artisanat patient et minutieux. On imagine les heures passées à confectionner – on a failli écrire « à bricoler » – ces 9 chansons et les illustrations qui leur font écho dans le très beau livre qui accompagne le CD. En écoutant la musique de Ben Lupus et en se plongeant dans ses textes et ses dessins, on perçoit surtout à quel point ces Forêts futures sont nées d’une collision d’influences multiples et hétéroclites, mais aussi de préoccupations parfois très personnelles, parfois plus universelles.
Avec Forêts futures, on est frappé par la singularité d’un projet qui, musicalement, repose sur une sorte de folk qui oscille entre acoustique et sonorités plus électroniques. Ben Lupus, tel un troubadour funambule, évolue sur un fil entre tradition et modernité. Ainsi, sur Fontaine, il n’hésite pas à nous proposer une étonnante relecture d’A la claire-fontaine. Sur Forêts futures (la chanson), c’est la guitare acoustique qui mène la danse ; ailleurs, par exemple sur le titre d’ouverture intitulé Sur les sommets, Ben Lupus privilégie plutôt l’électronique et les sonorités modulaires. Refusant de choisir, il mêle et entremêle les teintes et les textures musicales, tandis que de petits bidouillages sonores viennent habiller des chansons fragiles ou des instrumentaux hypnotiques. Le tout semble avoir été conçu dans un authentique esprit « do it yourself ». Quoi qu’il en soit, Forêts futures est une œuvre sincère et humble, mais dont l’ambition est pourtant prégnante.
Côté dessin, on retrouve ce goût pour le mélange de tout ce qui a un jour nourri artistiquement Ben Lupus. Lorsque l’on feuillette Forêts futures, on peut s’arrêter sur une page qui semble inspirée d’enluminures du Moyen Âge. Plus loin, le dessin se fait plus moderne, plus étrange et rappelle par endroits certains comics américains indés. Ailleurs, c’est l’influence des cartoons qui sautent aux yeux. Autrement dit, Ben Lupus dessine comme il écrit et joue de la musique. Partout, le même esprit lo-fi, partout le même refus des chapelles et des genres. Les textes, quant à eux, procèdent du même désir de tout explorer, de tout tenter. Là, on croit lire une bande-dessinée de quelques pages, là un haïku à la portée métaphysique, là une comptine presque enfantine…
Pour apprécier Forêts futures, il faut donc accepter de déambuler dans ce disque, dans ces textes et dans ces pages qui évoquent tantôt des sujets intimes, tantôt des considérations très actuelles (l’écologie notamment). La richesse de ces Forêts futures ne se dévoilent que progressivement, la simplicité apparente dissimule bien des recoins qu’il convient d’explorer avec la même patience que celle dont Ben Lupus a sans doute fait preuve pour concevoir et élaborer cette œuvre d’une grande originalité, mais qui pour autant ne rejette jamais les multiples influences qui l’ont construite.
Grégory Seyer