Florent Bernard réussit, pour son premier film, à se hisser au niveau de ses comparses américains doués dans le domaine des comédies indépendantes. Son film aussi drôle que touchant parvient à nous émouvoir avec sincérité : une vraie réussite.
Enfin ! Un film sur une séparation de couple qui évite tout pathos, et qui rentre directement au cœur des problématiques d’une famille qui doit choisir son destin… Elle ne l’aime plus, lui ne veut pas se séparer ni déchirer une famille apparemment unie. Alors il décide, comme un dernier SOS, de revenir en famille le temps d’un road-trip sur les lieux qui ont façonné leur couple. Sauf que ce week-end paraît être justement le problème qui fait qu’elle ne veut plus de cette vie : les Leroy partent en région dijonnaise redécouvrir (pour eux) ou découvrir (pour leurs adolescents) tous les coins craignos ou « moyens » où ils ont appris à s’aimer : les parkings de supermarchés, les jardins publics, les hôtels type Formule 1, les cafétérias ou restaurants près de centre commerciaux… une vie amoureuse un peu ringarde, mais qu’il assume totalement… chacun va, au cours de ces quelques jours, faire le point sur sa vie mais aussi sur sa position au sein de la famille… d’où ce « nous » qui donne le titre, cette ode à la famille quand un couple se sépare, et non le couple lui-même. C’est malin autant qu’original, avec des jeunes et brillants acteurs qui vont au-delà du faire-valoir régulier dans ce type de film.
Enfin ! Florent Bernard, que l’on connaît davantage pour son scénario de la série hilarante La Flamme ou bien son célèbre podcast avec Adrien Ménielle FloodCast, propose un film tellement inattendu de sa part, que la surprise le conjugue au respect. Un respect de ses acteurs, qui semble tous donner d’eux-mêmes pour faire vivre cette dramédie très sincère : José Garcia et Charlotte Gainsbourg offrent ici une de leurs plus belles prestations, notamment Charlotte qui est décidément une vraie actrice de comédie, à la fois très drôle et terriblement attachante. On oublie pas non plus les amis de Florent Bernard, proposant chacun à leur tour une petite saynète – qui fait certes très sketch – mais qui impose très souvent un rire franc. Un respect aussi des codes de la comédie dramatique à l’américaine, dans le sillon des films de Judd Apatow ou du célèbre Little miss Sunshine, chef-d’œuvre auquel on pense forcément puisqu’on est sur un même road-trip familial. Loin du délire parfois absurde de la Flamme, le réalisateur touche droit au cœur et il est sûr que n’importe qui pourra se retrouver ou convoquer ses souvenirs avec nostalgie au cœur de sa propre famille, qu’elle soit dysfonctionnelle ou pas.
Enfin ! Un film qui s’éloigne de la majorité des comédies françaises, vues et revues, qui trouvent leur terreau, soit dans la misère sociale de ses protagonistes, soit au sein des classes bourgeoises où chaque petit problème devient un drama total. Ici, Nous les Leroy évoque plutôt cette France des classes moyennes, voire très moyennes, qui n’ont pas assez d’argent ou d’imagination pour trouver des week-ends autre qu’aller au Futuroscope et où partir manger au Courtepaille et dormir dans des hôtels « première classe » devient synonyme d’évasion et de vacances. Pour autant, le film en fait juste un cadre très cinégénique pour parler de ces petits moments qui bâtissent une vie à deux, puis à quatre, et même si l’on se perd en cours de route, tout le monde sait qu’il sera toujours là pour l’autre.
C’est cette force, sincère et drolatique, qui fait de Nous Les Leroy un petit bonheur rafraîchissant, dont on ne tiendra pas rigueur de la mise en scène assez classique pour garder en mémoire une très belle histoire d’un quatuor qui doit exister pour lui, mais aussi pour les autres.
Une excellente surprise, enfin !
Jean-François Lahorgue