Quelque temps après son superbe set au Supersonic, le 17 février dernier, nous avions pu rencontrer Lo, le talentueux leader de Patrón. En attendant son set en première partie d’Alain Johannes le 30 avril à Petit Bain, voici ce qu’il nous a confié…
Benzine : … Oui, ce concert au Supersonic a été un régal, alors qu’on avait un peu peur de ne pas retrouver la force de l’album où tu étais accompagné par des pointures de la scène US…
Lo : J’ai la chance d’être soutenu par une équipe de musiciens vraiment professionnels : Aurélien qui joue dans Astonvilla, qui a accompagné Elliott Murphy ; Guillaume qui joue dans un groupe qui s’appelle Alcazar et tourne énormément – c’est de la musique orientale… et Sacha, le batteur d’Alcazar qui remplaçait notre batteur habituel, Simon. J’essaie de m’entourer des meilleurs !
Benzine : Reprenons au début, tu viens d’où ? Comment as-tu commencé à t’intéresser à la musique ?
Lo : J’ai eu une enfance géniale, j’ai beaucoup vécu à l’étranger, j’ai quitté la France quand j’avais deux ans, on a vécu à Londres, à Washington, à Jérusalem. Mon père était journaliste, ce qui nous a permis de beaucoup voyager. Ma langue naturelle est l’anglais, que j’ai appris avant le français… En Israël, à l’époque, j’ai grandi en écoutant du jazz, dont mon père était passionné. De retour en France, j’ai découvert le rock suite à des rencontres : c’était l’époque de Seattle, du grunge qui est devenu l’une de mes grosses influences, Soundgarden, Pearl Jam, Screaming Trees, Alice In Chains. J’ai eu très vite envie de devenir chanteur, j’ai commencé la musique à 16 ans, j’ai eu plusieurs projets qui n’ont pas abouti. C’est en 1999, lors d’un roadtrip dans l’Ouest américain, qu’un copain achète le premier album des Queens of the Stone Age dans une boutique de San Francisco : il aime la pochette, il l’achète ! On met le disque, on fume un gros pétard d’herbe californienne, et là… c’est LA révélation, avec en particulier ce quatrième morceau avec un final hypnotique et cathartique. Je suis resté bloqué là-dessus, et je me suis dit : « C’est ça que je veux faire ! ». Quelques jours plus tard, on était dans le désert au Nouveau Mexique, j’avais ma guitare acoustique et je composais les premiers morceaux de ce qui deviendrait Loading Data...
Benzine : Belle histoire…
Lo : … et authentique ! Loading Data, ça a été mon premier projet où j’ai joué de la guitare, pour composer. On était un trio au départ, alors que ce style musical était complètement inconnu en France. D’ailleurs les journalistes français n’avaient aucune référence : on nous a comparés par exemple à Ludwig Von 88 ! (rires) En 2001, on s’est séparés, je suis parti vivre aux Etats-Unis, où j’ai refondé le groupe là-bas avec un batteur et un bassiste… Et on a tourné dans les bars, on a même eu deux gros managers… Mais j’ai rencontré des problèmes avec les douanes, j’ai failli épouser une Américaine pour obtenir les papiers, et puis au dernier moment, le bassiste m’a convaincu de ne pas faire ça, que c’était trop risqué. Je suis rentré en France, ça a été la fin de l’épopée, j’ai eu la trouille de revenir et d’être blacklisté. J’ai redémarré Loading Data en France, avec une autre équipe, qui a duré 8 ans. Il y a eu plusieurs disques, jusqu’à Double Disco Animal Style, enregistré en 2012 avec Alain Johannes comme producteur : ça a été le début de mon amitié avec Alain… C’est parce que nous étions les pionniers du rock stoner en France que les groupes US qui venaient jouer ici nous demandaient de faire leur première partie : ça permis de rencontrer des gens comme Alain, Nic Oliveri, Brant Björk…
Benzine : Alors, pourquoi être passé à Patrón, alors que tu avais ce nom de Loading Data, qui avait un historique…
Lo : Ça faisait presque 20 ans que je trainais le nom de Loading Data, les musiciens étaient peu à peu moins disponibles, c’était usant de manager tout ça. Et quand j’ai enregistré Patrón, je ne savais pas quoi en faire, et Alain m’a dit : « Repars de zéro ! ». Je t’avoue que, arrivé à cet âge-là, je me suis posé la question de revenir avec un projet que personne n’attendait ! Ce sont des amis qui m’ont foutu des coups de pied au cul : « C’est ce que tu as écrit de meilleur, il faut que tu le sortes ! ».
Benzine : C’est vrai que, dès la première écoute, c’est convaincant ! Mais qu’est-ce qui a changé en fait entre Loading Data et Patrón ?
Lo : Ça reste dans la même veine, en effet, mais avec plus de liberté. Il y a des claviers, qui étaient déjà apparus à la fin de Loading Data, il y a mon chant qui est moins « en force », où j’utilise plus ma voix grave. Et puis je l’ai écrit très vite, en l’espace de 6 mois, c’est venu tout seul, je ne me suis pas imposé de barrières de style, de règles. Il y a un peu plus d’humour, c’est plus personnel aussi.
Benzine : On note bien les pas de côté sur l’album, qui peuvent donner naissance à autre chose.
Lo : En fait, je n’écoute quasiment pas de stoner, j’écoute Masters of Reality, Flotsam and Jetsam. Maintenant, les riffs ça me gonfle, il faut qu’il y ait un beau chant et une belle mélodie. Nick Cave, Mark Lannegan, toutes ces voix graves que j’aime… Et puis les grosses voix comme Eddie Veder, Chris Cornell… Au début, j’avais même du mal avec la voix de Josh Homme, mais il a très vite appris à chanter magnifiquement bien.
Benzine : On a bien aimé aussi, sur scène, l’humour…
Lo : Je suis quelqu’un d’assez léger… même si pas toujours ! La scène, c’est un moment de plaisir. Et puis, même si j’écris des choses qui peuvent être un peu sombres, j’aime chercher des manières différentes de bosser. Alain, il est formidable pour ça, c’est un savant fou, qui cherche des façons farfelues d’enregistrer. Mais l’humour, c’est quelque chose qui a pu me jouer des tours dans le milieu français. Déjà, on a le cul entre deux chaises, on ne fait pas du métal ni de la pop, on est rock, et il y avait toujours ce sourire dans notre musique. J’ai eu ma phase de dépression, je n’ai pas envie de tomber dans ce genre de clichés, il faut garder de l’humour et du second degré…
Benzine : Bon, assez parler du passé, c’est quoi l’avenir proche de Patrón ?
Lo : On a changé de tourneur, et ça bouge ! On a la tournée avec Alain Johannes, à Paris, Nantes, Parthenay, Bordeaux. On a des dates en Italie et en Espagne en cours de booking. Après, le projet, c’est d’aller enregistrer le nouvel album, avec Alain une fois de plus aux commandes, on n’est pas encore sûrs du studio, mais ça tend vers le mythique Rancho de la Luna, à Joshua Tree, dans le désert à l’est de L.A. L’album est très avancé mais pas encore finalisé. je vais travailler dessus dans les semaines qui viennent, il faut que ça soit enregistré cette année, pour une parution en 2025.
Benzine : Et tu testeras les nouvelles compositions sur scène ?
Lo : Ben, Vegas, c’est une nouvelle chanson, il n’y a pas encore les paroles définitives, je chante deux fois le même couplet (rires). Mais pour l’instant, comme on ne l’a pas tant joué que ça, avec le Covid, on est très contents de jouer encore l’album précédent. Et comme je suis très perfectionniste, je travaille et retravaille les titres, en attendant qu’Alain y rajoute aussi sa patte.
Propos recueillis le 21 février par Eric Debarnot
Vous pourrez voir Patrón sur scène dans les semaines et mois qui viennent :
Génial. Passionnant. Quelle belle aventure !
Oui, Lo est quelqu’un de réellement passionnant, au delà de la qualité de sa musique !
En tant que grand fan de Masters of Reality, ça fait plaisir à lire, tout ça.