Thriller fantastique et assez dépressif, Les Sept Boules de cristal est certainement l’un des Tintin les plus marquants quant on est plus près des 7 ans que des 77. C’est aussi une introduction palpitante au Temple du Soleil qui suit…
Lorsque l’on me demande de citer mon Tintin préféré, c’est la plupart du temps Les Sept Boules de cristal qui me vient à l’esprit.
Pourquoi ? Il n’est pas très difficile de comprendre en quoi ce 13ème album des aventures du petit reporter (qui ne l’était plus, visiblement…) me marqua autant quand j’étais enfant : il y a une raison évidente, qui s’appelle Rascar Capac, cette momie cauchemardesque qui déclencha certainement, alors que je devais avoir moins de dix ans, ma future passion pour le fantastique. Car du fantastique, il y en a ici à la louche, et pour la première fois chez Tintin (même si le monstre de l’Île noire et l’astéroïde menaçant de L’Étoile mystérieuse titillaient déjà notre imagination…) : les explorateurs frappés d’un mal mystérieux, les boules de cristal à l’effet dévastateur, la fameuse « foudre globulaire » qui entre par la cheminée et dévaste la maison,
Pour le reste, une relecture récente de cet album oscillant entre thriller dépressif en avance sur son temps (la malédiction à laquelle il est impossible d’échapper, quoi qu’on fasse) et accumulation de gags spectaculaires (tournant pour la plupart autour du statut de nouveau riche du Capitaine Haddock, qui endosse ici les habits mal seyants d’un châtelain un tantinet prétentieux) montre ses quelques limites : si sa construction fait écho à celle du Secret de la Licorne, avec l’ouverture finale qui arrive comme un grand bol d’air frais vers l’aventure, le grand large, on ressent en arrière-plan la « perte d’innocence » de Hergé, qui, à mi-parcours de la création du livre, aura sombré dans la dépression…
Alors que la guerre, toujours totalement hors champ chez Tintin, touche à sa fin, que les dernières batailles font rage entre nazis et Alliés, puis que survient la libération de la Belgique, Hergé doit faire face aux conséquences de son choix de travailler au « Soir », journal volé à ses propriétaires et symbole de la collaboration : la prépublication des 7 boules de cristal dans le soir, débutée fin 1943, sera évidemment interrompue par l’arrivée des alliés, en septembre 1944.
Il faudra attendre 2 ans pour que Hergé puisse reprendre le travail, et que la prépublication des Sept Boules de cristal redémarre – en 1946 – cette fois dans le Journal de Tintin. Hergé est sorti de la dépression qui l’a accablé, et a été finalement lavé des accusations de collaboration qu’il affrontait, mais on imagine bien que l’ambiance autour de sa création n’était pas des plus favorables. Il faut toutefois souligner que Hergé se sera appuyé pour cet album sur l’imagination littéraire de son ami Van Melkebeke, sans doute responsable du « sérieux » de l’énigme policière – effectivement très réussie -, et sur le talent éblouissant, en particulier dans le domaine du fantastique, de E. P. Jacobs, qui était en train de devenir le génie de la BD qu’on connaît.
Mais, en tout cas, on se rend compte aujourd’hui combien l’impact des Sept Boules de cristal va être rétrospectivement multiplié par le magnifique Temple du Soleil qui nous ramènera le Tintin aventurier que l’on préfère.
Eric Debarnot
C’est quoi le rapport avec le titre de l’article ?
Je ne comprends pas ta question : le titre c’est « Tous les albums de Tintin : 13. Les Sept Boules de cristal (1948) », ce qui est quand même une description ne peut plus objective, non ?