Les New Yorkais de Bodega se sont plongés dans leurs archives pour enregistrer leur sixième album, Our Brand Could Be Yr Life. Désormais plus pop, leur art-rock alternatif reste toujours autant excitant.
Un concert de Bodega ne s’oublie pas. Sur scène, le groupe originaire de Brooklyn est incandescent, triture son art-rock alternatif à coup de rythmiques tribales et suit les traces des incontournables Velvet Underground, Wire ou Pavement. Le guitariste-chanteur Ben Hozie et la chanteuse Nikki Belfiglio se complètent outrageusement. Lui, stoïque, lâche un phrasé cadencé, et elle, balance ses apophtegmes en phase avec sa chorégraphie désarticulée. Au gré des tournées, les musiciens additionnels défilent. Tour à tour, Madison Velding-VanDam de The Wants et Taï Lee cèdent leur place à de nouveaux arrivants.
En 2024, Bodega s’est stabilisé avec l’arrivée de Dan Ryan à la guitare, Adam See à la basse remplace la mystérieuse Heather Elle, et aux percussions Adam Shumski. Our Brand Could Be Yr Life, leur sixième album, reste dans les clous. Et pour cause, les new yorkais sont allés puiser dans leurs archives pour ressortir des titres jamais publiés officiellement et datant d’avant leur premier album Endless Scroll (2018). Ben Hozie s’explique : « En dehors du quartier de Bushwick, personne n’a entendu ces titres parus en catimini. Nous l’avons envisagé à la façon d’un réalisateur qui ferait un remake d’un de ses vieux films, comme Hitchcock avec L’homme qui en savait trop, ou Yasujirō Ozu avec Histoire d’herbes flottantes ».
Remis au goût du jour, les quinze titres ont tous été réenregistrés et réarrangés. Des textes militants dénonçant la gentrification culturelle, l’appropriation de la contre-culture par les marques. En ouverture, Dedicated to the Dedicated offre un panorama pop, lâche des riffs de guitares power pop. Le titre se décline sous forme de strates mélodiques qui n’est pas sans rappeler The Cars. Bodega Bait et Major Anberson font allégeance aux slacker rock, Protean carillonne avec des guitares qui sont à la fête. Sans oublier le p-funk avec G.N.D Deity qui hausse le ton à coup de slogans. Le single Tarkovski utilise des effets pas courant chez eux, les arpèges et larsens vont bon train, les chants transcendent le refrain “take me to the zone” dont la rythmique post-velvet alterne solos et passages plus en retenue du meilleur effet. Bodega muscle le son des guitares sur Stain Gaze, pour un tour en pixiesland, alors que ATM affiche des couleurs tribales et des cascades de guitares. Cultural Consumer III rappelle que le groupe avait bénéficié du soutien de leurs collègues de Parquet Courts, ces deux formations partagent un son identique alors que Born Into by what Consumes défriche le psychédélisme. Webster hall, Set the Controls for the Heart of the Drum, City Is Taken et Cultural Consumer 1&2 sont anecdotiques, le groupe expérimente et cède parfois à la facilité.
Produit et enregistré par le groupe et Adam Sachs batteur de Wives, Our Brand Could Be Yr Life a été mixé par Bryce Goggin, déjà croisé avec Pavement, Lemonheads ou un certain Patrick Bruel. Gageons que Bodega ne le savait pas.
Mathieu Marmillot