Grosse soirée et un maximum de variété musicale hier soir au Supersonic avec le rock agressif et classique de Pythies, la brit pop exubérante de The Velvet Hands, et surtout la musique ébouriffée des géniaux Ha the Unclear, le prodigieux groupe néo-zélandais.
On peut l’avouer maintenant : même si la programmation du mois d’avril parisien comptait des gens de poids, comme Echo and The Bunnymen ou The Jesus and Mary Chain, il y avait surtout un groupe qu’on attendait : Ha the Unclear, des Néo-Zélandais encore à peu près inconnus chez nous malgré une carrière déjà longue dans leur pays (deux albums depuis 2014, jamais parus chez nous !). Et c’est enfin ce soir qu’on va pouvoir les découvrir en live, au Supersonic !
20 h : la soirée commence par Pythies, trio féminin parisien de rock rapide et dur (sur les réseaux, on parle de « witchy grunge » !) comme on aime : elles ont déjà une troupe de fans, qui les suivent fidèlement, séduits par une approche musicale roborative, perpétuant une excellente tradition rock’n’rollienne, plutôt US, d’ailleurs. Évidemment, on peut regretter la foule de photographes (mâles) qui se pressent devant la scène, qu’on n’espère pas directement liée à la plastique et aux tenues de scène légères des jeunes femmes, d’ailleurs fermement engagées contre le patriarcat… Thérèse, la guitariste, demande à ce qu’il y ait plus de filles au premier rang, un souhait qui ne se matérialisera pas. Bon, si la bassiste et chanteuse, Lise, fait le job, tous les titres de Pythies ne sont pas inoubliables : on appréciera un trio bien enlevé en cours de set (Fuck The Pain Away / Moon in Gemini / Ouroboros) et un final bondissant sur Eclipse. Pythies, ce n’est pas le futur du rock’n’roll, mais une belle célébration de ses meilleures traditions, avec la plus-value féministe pertinente pour notre époque.
21h : Vient le tour de The Velvet Hands : en moins d’une minute, les Anglais ont fait la démonstration imparable qu’en matière d’indie pop millésimée (le versant brit pop du début des années 2000 avec des réminiscences punk 77), on sait, Outre-Manche, y faire mieux que personne. Ils nous régalent de 35 minutes de chansons irrésistibles, portées par des mélodies à l’évidence parfaitement ridicule, jouées avec énergie et bonne humeur : impossible de faire le difficile. Même si la recette est bien connue. Même si ça fait des décennies qu’il y a des petits groupes britishs qui nous font le même coup. La presse anglaise cite d’ailleurs les Stones du début des sixties comme une référence, sans doute à cause de la gouaille sympathique de Toby, le chanteur. Car, entre un chanteur charismatique avec une bonne voix, un guitariste qui maîtrise son sujet, une section rythmique percutante, et, répétons-le, des chansons qui fonctionnent dès la première écoute, on ne voit pas comment ne pas aimer The Velvet Hands, au moins sur scène ! Du coup, le Supersonic est en liesse, Lise des Pythies vient donner un coup de main sur une chanson, et la scène sera même envahie sur le dernier titre (The Party’s Over), pourtant plus lent, où on braille tous : « I dont wanna be your friend no more ». Paradoxal, parce que, en vrai, on a envie d’être amis avec des jeunes gens comme The Velvet Hands, pour la joie qu’ils nous apportent. Meilleur titre du set, Sucker Punch, rageur et percutant. A revoir très vite…
22 h : Le quatuor d’Auckland débute son set avec le réjouissant Secret Lives of Furniture, et tout de suite, on sent qu’on a affaire à autre chose : d’abord parce que, techniquement, on sent les musiciens rodés, sans même parler d’une formidable cohérence interne du groupe, qui va faire décoller les morceaux les plus agités. Et puis, il y a cette musique qui n’évoque pas grand-chose de déjà entendu avant, sans nous désorienter pour autant. Au contraire, Ha the Unclear est un groupe qui part dans beaucoup de directions, mais qui reste infiniment aimable, facile d’accès, conjuguant de bonnes mélodies – parfois paradoxales -, des rythmes régulièrement trépidants et des parties de guitare littéralement magiques. Et puis il y a le chant de Michael Cathro qui est superbe, dans un registre inhabituel – quelque part entre Gordon Gano et David Byrne, peut-être ? Ce soir, le son est excellent, ce qui n’est pas toujours le cas lorsqu’on est au premier rang du Supersonic, et on peut profiter de chaque instrument, et surtout des vocaux. Les titres interprétés sont extraits de l’album qui sort le lendemain, mais ce sont surtout des titres déjà sortis en Nouvelle-Zélande, parfaitement rodés depuis des années sur scène.
Le public, dont certains ont l’air de déjà bien connaître les chansons, fait rapidement une ovation à la fin de chacun des titres, très enlevés. Le rythme se ralentit un peu sur le magnifique Growing Mould, avec des chœurs doo-wop, avant que Kosmonavt ne remette le son. La version largement déviante du C’est comme ça des Rita Mitsouko met tout le monde en joie, évidemment. Le set de 45 minutes se termine par un Where Were You When I Was All You Needed? irrésistible puis un long Bacterium, littéralement dantesque. Ouaouh !
Aucune déception avec cette première rencontre live avec ces Ha the Unclear tant attendus, qui ont confirmé ce soir leur maîtrise de l’intensité et surtout leur profonde originalité. Le début – oui, même si le groupe officie depuis plus d’une décennie – d’une belle histoire, sans aucun doute !
Texte et photos : Eric Debarnot