Heathen marque un beau redressement artistique après le marasme de Hours… Bowie n’arrive pourtant pas à nous convaincre complètement avec cet album très classe, très bien produit par Visconti, mais souffrant d’un relatif manque d’inspiration.
Hours… avait été une vraie déception, un retour inattendu, après les ambitieux – et réussis – 1. Outside et Earthling, à une sorte de pop rock tranquille et pas très inspirée. Disons-le tout de suite, Heathen, tout en suivant le même chemin, place la barre bien plus haut : on peut compter cette fois sur quelques compositions qui se tiennent honorablement (même si l’on est encore loin du génie des années 70-80, évidemment), et également sur un chant classieux de crooner post-moderne souvent irrésistible… (même si moins de distanciation – un « problème » habituel chez Bowie – serait ici appréciée pour ajouter un peu plus de vie à Heathen). Mais il y a cette fois une excellente orchestration, sobre et efficace, et une production cohérente et maîtrisée : merci à l’indispensable – ou pas loin – Tony Visconti, enfin de retour après 22 ans de brouille !
Marqué par la naissance de sa fille et par le décès de sa mère, mais prenant également conscience des effets de l’âge qui s’avance, Bowie poursuit dans cet album ses réflexions sur la nature humaine, et la nécessité d’une forme de spiritualité que son athéisme ne lui permet de trouver dans la foi religieuse : une profondeur bienvenue, qui ne se traduit malheureusement pas toujours dans des chansons exceptionnelles…
Suivant ses goûts, chacun distinguera au milieu des douze titres qui composent Heathen, l’introduction, assez magnifique, largement électronique et quasiment planante, de Sunday, le superbe Slow Burn, enflammé par la guitare de Pete Townshend, ou bien encore Cactus, une bonne reprise des Pixies, logiquement sans la rage géniale de l’original, ou même la version « grunge » (Thanks à Dave Grohl, un autre invité prestigieux !) du sensible I’ve Been Waiting for You du Loner. A ce propos, il semble que peu de gens aient remarqué que Slip Away décalquait assez effrontément la mélodie du magnifique I Believe In You du même Neil Young. Tous des titres de la « première face ».
Car la suite de Heathen descend malheureusement en pente douce vers un final assez fade, offrant une dilution progressive des atouts de la première, et empêchant l’album de bénéficier du statut, pourtant atteignable, de « classique mineur » de la discographie de Bowie. La reprise de I Took a Trip on a Gemini Spaceship, un titre du Legendary Stardust Cowboy (inspirateur partiel du personnage de Ziggy), ne fonctionne pas très bien dans un format vaguement techno qui tranche avec l’esprit de la chanson. 5:15 The Angels Have Gone et Heathen (The Rays) nous font gentiment planer, et bénéficient tous deux de l’intelligence de leur production, à la fois « moderne » et cohérente avec le passé musical de Bowie, mais sans nous passionner. Everyone Says Hi et A Better Future sont littéralement sans intérêt, même si Everyone Says Hi fit un petit effet dans les charts du Royaume-Uni.
Cette inconsistance de sa tracklist n’empêcha pas l’album d’être bien reçu en général par la critique, et de marquer une renaissance commerciale de Bowie aux USA. Il faut dire que l’album, publié sur ISO le propre label de l’artiste, a été amplement soutenu par une campagne promotionnelle d’envergure !
Eric Debarnot
Pour des retrouvailles avec Visconti, Bowie sort l’attirail sur quelques titres qui le ramènent au niveau de sa légende : Sunday, Slip Away, 5.15 The Angels Have Gone, Heathen. Bon clairement la production est majestueuse. Bon souvenir à la sortie avec cette impression de retrouver mon Bowie à son meilleur.
J’attendais la critique de Heathen avec impatience, considérant cet album comme un grand album de Bowie et j’avoue être un peu décontenancé… ^^
Chacun ses goûts bien sûr mais pour ma part, je trouve cet album plutôt grandiose. C’est pour moi le meilleur Bowie depuis Outside et jusqu’à Black star (un peu à part en même temps…). Bowie revient à de la musique pop plus calibrée, moins expérimentale, retour qu’il a amorcé avec Hours mais là où je trouve qu’Hours ne tenait pas la route sur tout l’album, je trouve qu’Heather oui. De la sublime intro qu’est Sunday à la tout aussi sublime Heathen (The Rays), tout l’album se tient, est cohérent, classe, bien produit avec bien sûr des moments plus inspirés que d’autre. Bien sûr, il y a I Took a trip… pour moi la plus faible de l’album mais il y a dans le reste ce que je considère comme de grands chansons. 5:15 est enveloppante, hypnotisante, tout comme I would be your slave. Afraid est surement pour moi l’une des chansons les plus « reboostantes » de la carrière de Bowie, avec ce son un peu garage, et cet aspect « épique » ! Pour ma part, je trouve Everyone say’s Hi très bien, le pont me donne toujours des frissons… Là où je trouve que les compositions sont de très belles volées généralement, je vénère sa voix dans cet album, pour moi peut-être sa meilleure prestation, en tout cas pour sa voix « crooner ». Et cette envolée dans Sunday… Non décidément, j’ai découvert cet album sur le tard, il y a quelques années et mon amour pour lui reste intact. Et puis je ne parle pas de tout le visuel autour de cet album, les photoshoot, la tournée…. Voir Bowie interpréter Heathen me bouleverse à tous les coups, lorsqu’on sait ce qu’il s’est passé 15 ans plus tard… Enfin voilà, j’aime cet album et je pense que Bowie l’affectionnait aussi particulièrement. Il semblait très à l’aise à cette période, rayonnant, il a rarement été aussi classe et lumineux qu’à cette période selon moi. Et dernier point non des moindres qui atteste pour moi de la qualité de cet album c’est que 22 ans plus tard (hic…), il sonne toujours aussi bien et n’a pas pris une ride. Je pense qu’il pourrait sortir aujourd’hui et sonnait quasiment pareil que ça ne jurerait pas du tout, je ne sais pas ce que vous en pensez… Par comparaison, je trouve que sur certaines chansons par exemple, the Next Day sonnait moins « moderne » que l’album Heathen, un vrai album intemporel pour moi. Enfin, voilà… J’aime beaucoup cet album et cette période ! Et je suis déçu qu’il n’ait pas acquis la postérité qu’il aurait du pour moi acquérir… Mais en même temps , je crois qu’hélas la postérité pour Bowie se cantonnera toujours aux années 70… Dans le grand public, il sera toujours ramené à ça et dans une moindre mesure à let’s dance… Outside et Heathen sont pout moi des albums dignes de figurer à côté des grands albums des années 70 de Bowie.
Merci d’avoir ajouté ce long commentaire détaillé, qui contrebalance mon propos, et ravira ceux qui partagent ton avis. J’étais en désamour de Bowie quand il est sorti, et je n’ai pas aimé Heathen du tout. A force de le réécouter, je lui ai trouvé des qualités, mais rien à faire, en le réécoutant pour écrire cette page de notre anthologie, j’ai toujours eu autant de difficultés à le trouver inintéressant, en particulier cette seconde face sans vie. Désolé ! Personnellement je préfère d’ailleurs son successeur…
Par rapport à Reality que je trouve insipide (curieux de lire la prochaine chronique d’ailleurs), Heathen s’impose avec classe amha. La patte Visconti donne une force et une cohérence manifestes. L’album s’écoute vingt ans plus tard sans souci. Je l’avais ressenti sans bien le formuler mais l’article évoque clairement cette « distanciation » solennelle, cette froideur inhérente souvent au chant de Bowie qui parcourt certains titres. Quant à la pochette, elle demeure énigmatique. Un classique recommandable.