Après une première partie consacrée au repos du guerrier dominical, servie par la verve rieuse et colérique de Lydie Salvayre, la suite présente « le travail » sous un angle un peu trop réducteur pour convaincre.
Paresser pour penser, telle est la devise de Lydie Salvayre. Dans une société qui cherche à accélérer le temps, où l’occupation relève de l’obsession, où laisser un enfant s’ennuyer confine à la maltraitance, l’auteure met ses sarcasmes au service des contemplatifs qui se laissent vivre.
Son livre commence comme une plaidoirie du Dimanche immobile, barrage à la clepsydre, danse au rythme de l’oreiller et de la couette chiffonnée, où le temps fait une pause, bercé par le ronron de la machine à laver et seulement dérangé par les joggers connectés, lycraphiles à la foulée terrifiée par l’immobilité. Pour certains, drogués de l’activité, ne rien avoir à faire, c’est se retrouver seul avec soi-même, scroller ses rêves en brasse coulée et prendre le risque de prendre conscience de ses vacuités.
Lydie Salvayre appelle à la barre plusieurs témoins d’immoralité. Baudelaire, capable de faire fleurir le mal partout et qui prescrivait « le travail non par goût mais par désespoir car travailler est moins ennuyeux que s’amuser », Verlaine, pas mal de vers dans son bas de laine, qui associait paresse et caresse, Vian, pour qui « le travail, c’est ce qu’on ne peut pas s’arrêter de faire quand on a envie de s’arrêter de le faire » et même le Virgile de l’entrée qui ne croyait qu’au travail démiurgique du paysan.
De mon côté, je m’abreuve d’autres sources inépuisables comme Guitry qui sur le sujet, conseillait : « Ne faites jamais l’amour le samedi soir, car s’il pleut le dimanche, vous ne saurez plus quoi faire. »
Si la première partie consacrée au repos du guerrier dominical est convaincante, servie par la verve rieuse et colérique de l’auteure et son sens de la formule définitive, je trouve que la suite, souffre d’une maladie dégénérative : la rancœur. Cette vision réductrice et un peu datée qui ne considère le travail que sous l’angle de l’aliénation et de la servitude, en négligeant tous ceux qui s’émancipent ou s’épanouissent dans le boulot, gâche un peu les promesses du titre.
Dans La Grande Librairie, à la question traquenard de Trapenard, sur le travail du dimanche, que le récit de Lydie Salvayre ignore bizarrement, cette dernière susurra un peu gênée, qu’elle y était favorable, mais uniquement dans les musées et les salles de spectacle. Sortez les pagaies, Madame rame. Le travail oui, mais pour répondre à ses petits besoins… pas celui qui enrichit « les apologistes du travail des autres », formule radotée toutes les cinq pages et dont elle semble très fière.
Si la vie ne se mesure pas au profit, le travail n’est pas forcément une maladie.
Billet chômé.
Oliver de Peco
« Cette vision réductrice et un peu datée qui ne considère le travail que sous l’angle de l’aliénation et de la servitude, en négligeant tous ceux qui s’émancipent ou s’épanouissent dans le boulot »
Bonjour Oliver de Peco. Je ne partage aucunement votre avis. Non, ce n’est pas une vision réductrice et datée, mais juste une vision de gauche par opposition à celle d’une droite, qui elle s’évertue toujours à trouver des valeurs au travail… des autres, justement, puisqu’il garantit son profit. Car, à ceux qui s’émancipent et s’épanouissent par le travail, comme vous dites, on peut toujours leur rétorquer qu’ils s’émanciperaient et s’épanouiraient bien mieux ailleurs, s’ils l’étaient réellement émancipés et épanouis.
« sur le travail du dimanche, que le récit de Lydie Salvayre ignore bizarrement, cette dernière susurra un peu gênée, qu’elle y était favorable, mais uniquement dans les musées et les salles de spectacle. Sortez les pagaies, Madame rame. »
Quant à cette dimension, non, elle n’est pas davantage contradictoire, loin s’en faut, elle va même de soi, puisque l’art et le divertissement en général s’offrent ou plutôt se vendent et consomment pour la survie des artistes (mais aussi sportifs professionnels…), à ceux qui justement sont désengagés du mode productif, autrement le soir et le week-end, i.e. pendant le temps libre, pour le spectacle vivant. Tout le reste pouvant en être exclu (hormis les services liés à la maintenance de notre survie, santé, sécurité qui se doivent d’être opérationnel 7J/7, 24h/24.
Maintenant, l’éloge du dimanche est davantage à entendre comme celui, non d’un jour en particulier, mais bien du temps désengagé de la production qui peut donc être un tout autre.
Sur ce, bon dimanche à tous.