Avant une tournée spectaculaire et dix ans de silence, Bowie livre avec Reality un bel album facile d’accès, témoignant de sa maturité. Un disque qu’il convient de réévaluer au sein de sa discographie…
La dure REALITE, c’est que Reality est le SEUL album de David Bowie que je n’ai pas acheté, ni même écouté lors de sa sortie. En 2003, après la semi-déception d’un Heathen – trop atmosphérique à mon goût – qui ne m’avait pas complètement convaincu, rien de ce que faisait alors Bowie ne me semblait pertinent : en 2003, j’écoutais les White Stripes ou Adam Green, loin, bien loin du rock à l’anglaise classique de Reality.
C’est la disparition de Bowie en 2016 qui me donna envie de me plonger dans cet album, en général peu aimé. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir un disque vraiment… plaisant, illuminé par de vraies bonnes chansons : New Killer Star qui aurait même pu être un nouveau « classique » du répertoire de Bowie, si nous nous y étions un peu intéressés, la belle ballade Days, les excitants Reality et Never Get Old qui nous offrent un Bowie rock et « remonté » comme rarement (comme jamais ?). L’album contient également deux reprises, nous offrant surtout une interprétation sympathique de l’immortel Pablo Picasso des Modern Lovers, confirmant – si besoin était – le goût sûr de Bowie quant aux musiques « différentes », décalées par rapport au mainstream.
Mieux, grâce à une production exemplaire de Tony Visconti, avec lequel Bowie appréciait visiblement de travailler à nouveau, déclarant se sentir particulièrement confortable avec ce processus – , et à un groupe – qui est celui de la tournée Heathen –, offrant une belle cohérence musicale au projet dans son ensemble, même les morceaux un peu plus faibles (mais il y en a peu, hormis la conclusion de l’album, un Bring Me the Disco King composé au cours des années 90 et un peu trop mainstream avec son swing radio friendly), restent intéressants.
Quelle surprise ! Quels regrets a posteriori d’être passé à côté d’un tel album, certes légèrement anecdotique (pas vraiment de GRANDES chansons ici), ou en tous cas pas vraiment novateur (c’est tout simplement du Bowie, immédiatement reconnaissable), mais qui prouvait que la crise de créativité était désormais bien loin derrière ! Et que la maturité allait bien à un artiste qui était passé de la flamboyance de ses débuts à une plus grande sérénité, sans pour autant cesser de nous surprendre. A posteriori, on peut estimer que Reality joue un peu vis à vis du génial doublé Outside et Earthling le même rôle que Scary Monsters par rapport à la Trilogie Européenne (ou Berlinoise) : c’est un album pop, accessible au grand public mais intelligent, recyclant dans le mainstream les idées plus audacieuses de ses prédécesseurs.
Reality fut bien reçu par la critique et par le public, en particulier au Royaume-Uni, et semblait établir définitivement la crédibilité de Bowie comme une star à la fois populaire et artistiquement exigeante. On sait malheureusement aujourd’hui que la santé de Bowie commença à décliner lors de la tournée « A Reality Tour » qui suivit, et qui fut écourtée quand il dut être hospitalisé.
Après Reality, nous allions affronter quasiment une décennie de silence, avant un ultime chant du cygne : la dure REALITE de la vie viendrait donc aussi mettre fin à ce rêve-là, l’un des plus beaux que le Rock nous ait offert.
Eric Debarnot
Je suis passé à côté de cet album. Déjà la pochette…..c’est quoi le concept ? Quelues bonnes chansons : New Killer Star, She’ll Drive the Big Car, Fall Dog Bombs The Moon tiennent bien la route. A l’époque Bowie participait aussi en douce sur des titres en collaboration bien séduisants : Hop Frog avec Lou Reed sur l’album Raven – un vocal digne de Transformer – et Isn’t It Evening (The Revolutionary) avec Earl Slick et surtout l’excellent Saviour avec Kristeen Young avec Visconti aux manettes.
@Charlie
Il me semble que Bowie avait dit à l’époque que la pochette servait à signifier que le titre de l’album était ironique. Ceci dit, en 2003, je ne pense pas que beaucoup de ses fans prenaient encore le concept de réalité au premier degré dans la carrière du monsieur.
Pourquoi pas ? Mais même en ce cas, je la trouve très moyenne au niveau esthétique. Quant à la réalité, il est clair que Bowie joue dans une autre dimension, celles des illusions, des masques et des artifices, sa théâtralité. C’est là que je le trouve meilleur et séduisant. Bon en même temps, quand tu as vampirisé les Seventies avec Ziggy Stardust et d’autres avatars, difficile de se poser ensuite en simple chanteur même talentueux.
@charlie
Ah, c’est vrai qu’en termes de bastos dans le pied, Ziggy y était allé plutôt fort, héhé. Parce qu’ensuite, quand Bowie tente le coup du « simple chanteur », ça donne Hours.
Ouais, j’aime vraiment bien cet album, moi aussi. J’avais 10 ans quand il est sorti et certains moments m’ont durablement marqué. New Killer Star est une chouette intro, la reprise de Pablo Picasso capte le quatuor Slick/Leonard/Plati/Campbell à son meilleur et la chanson éponyme peut se vanter d’avoir les guitares les plus Ronsoniennes depuis la fin des Spiders. Bring Me The Disco King est assez sublime, également.
Mes parents étaient allés voir l’homme en tournée mais ne m’avaient pas emmené, supposant sans doute qu’il y aurait d’autres occasions durant les années suivantes. Ehhhh.
L’album de la réelle découverte de Bowie pour moi, j’avais 17 ans à l’époque. Contrairement à beaucoup de gens qui ne l’aiment pas, j’ai tout de suite aimé cette pochette. Peut-être que ma passion pour les mangas à l’époque y contribua il est vrai… Je m’étais même inspiré de cette couverture pour un travail d’arts plastiques aux lycée je me rappelle… ^^ Plus de 20 ans après, je l’aime toujours bien, très identifiable dans la carrière de Bowie, une certaine fraicheur, et je suis un grand fan du travail de la typographie sur cette ère. Bon passons le visuel pour parler musique. Je me rappelle tant de choses de cette époque : les premiers titres passés à la radio enregistrés sur une cassette audio et écoutés en boucle durant le trajet pour le lycée, il me revient principalement le titre Pablo Picasso, une de premières chansons de Bowie (même si reprise) que j’ai écouté et re-écouté, j’adorais cette introduction avec ces guitares qui fusent…, l’émission spéciale Traffic musique lui étant consacré avec un Bowie élégant, drôle, heureux, et ce fameux duo sur Fashion avec Damon Alban, qu’est ce que je l’ai regardé sur mon magnéto… Jusqu’à l’occasion de ma vie manquée, à savoir le concert prévu en juillet 2004 au festival les voix du Gaou à Six-fours, annulé quelques semaines avant suite à ses problèmes de santé… J’avais ma place au chaud depuis des mois, c’est là l’un des plus grands regrets de ma vie… J’aurai pu voir David Bowie… Pour me consoler, je me rappelle une amie m’appelant en direct pendant le concert de Marseille… on compense comme on peut !
Concernant l’album à proprement parler, je l’ai toujours trouvé efficace, frais, direct. New killer star était un très bon single de lancement et effectivement, en d’accord avec un commentaire précédent, je pense que ce titre aurait gagné à plus de renommée. Never get old est complètement bon et régressif (et on l’écoute différemment à 17 qu’à 38… !), Idem pour Reality qui est probablement l’une des chansons ou Bowie se libère le plus dans son chants, et faire attention aux paroles qui sont très bonnes je trouve, la fameux concept si vrai du « plus je vis, plus je me rends compte que je ne sais rien ». L’album est plutôt cohérent, alterne des moments rock épiques avec des morceaux plus calmes et élégants tels que Fall dog bombs the Moon ou she’l drive the big car et son harmonica… pour finir sur un Bring me the disco King, ces chansons phares de Bowie ou celui-ci s’entretient avec la finitude. Une sorte de Heathen (The Rays) jazzy…. Et mention spéciale à la reprise de Waterloo Sunset figurant sur l’édition deluxe, chanson des Kinks mais qui a l’époque m’avait fait forte impression. J’écoute maintenant plus souvent l’originale mais j’aime celle de Bowie et cela confirme comme dit plus haut ces goûts éclairés en terme de reprises… Enfin voilà, c’est la fin du Bowie médiatique, de sa présence rassurante sur le paysage musical, c’est la pub vittel (on aime ou on aime pas mais quel pied de nez !), les affiches de tournées un peu partout, une vraie présence de Bowie au début de ce nouveau millénaire qu’on imaginait pas s’arrêtait si soudainement… et 10 ans plus tard…
Beau témoignage, merci !