Frustration persiste et signe. Les Franciliens explorent les rivages d’une cold wave matinée de street garage. Leur sixième album Our Decisions est sans concessions.
N’attendons pas de Frustration un album à la mode. Nulle trace d’Italo disco ou de biniou enregistré en quadriphonie. Avec Our Decisions, le groupe reste fidèle à une production minimaliste qui restitue parfaitement l’énergie du groupe et lui donne même de l’ampleur. Les arrangements chelous, pas le style de la maison. Ça joue cash, direct, sans céder au camouflage. Chaque instrument est à sa place et pour la bonne raison.
Un lustre que Fabrice Gilbert (chant), Nicus Duties (guitare), Mark Adolf (batterie), Fred Campo (synthés) et le dernier arrivé Pat (basse) tracent la route entre punk rock, garage et cold wave. Our Decisions est leur sixième album et comporte de futurs classiques en concert. Un bruitage inquiétant introduit Consumés. La basse ouvre la voix, la guitare est tranchante et les claviers moins présents, gagnent en perspicacité. Le texte désabusé et révolté se fond parfaitement dans l’éruption sonore. Avec Pawns on the Game, le Rimmel coule sur les Adidas trois bandes, comme à chaque écoute de Sepukku de Taxi Girl. Le chant se terre dans les graves et accentue le côté goth alors que l’instrumentation vogue dans les 80’s post punk.
Dans le peloton des tubes dépressifs, Riptide tient son rang. Un harmonium flippant laisse place à une rythmique martiale quand la voix et le séquenceur amorcent un virage plus industriel. Rapide comme un Ninja de banlieue, State of Alert entretient la tension punk rock aidé de chœurs inquiétants. Soit tout l’inverse de Vorbei, sur des séquences obsédantes Anne du combo rouennais Hammershøi pose sa voix. Dans un registre qui ne lui est pas familier, Fabrice s’offre un beau moment de grâce.
Les spectres du krautrock squattent Secular Prayer. Basse et batterie über alles laissent la voix en suspension, avant l’apocalypse menée par une guitare saturée à la Wipers. Path of Extinction introduit l’album sur des pas robotiques et minimalistes que des chœurs viennent perturber. Alors que Pale Lights y va de sa petite crise no wave, le synthétiseur la joue version Polyrock et le chant en mode parlé, boosté d’une rythmique mécanique, se conforte dans la déviance. Chahuté par les claviers, Catching Your Eye capte la mélodie au bon moment avec des passages en retenue laissant la tension monter doucement pour un final explosif alors que le second titre en français, Omerta pousse la voix assez théâtrale de Fabrice à s’énerver sur un efficace post punk tribale.
En dix titres, Frustration mènent la danse épileptique et prouvent qu’ils en ont encore largement dans le string.
Mathieu Marmillot