Tintin au pays de l’or noir a souffert de sa genèse difficile et de modifications ultérieures : ce retour de Hergé sur une histoire entamée avant la guerre fait bien piètre figure, en comparaison avec la belle série de très grands albums qui l’a précédé !
Longtemps je n’ai pas aimé Tintin au pays de l’or noir, que je ne « comprenais » pas, ni ne trouvais vraiment intéressant. C’est d’ailleurs le seul Tintin que j’ai dû lire moins de 5 fois, comparé aux dizaines de fois pour les autres.
Il faut aussi dire qu’il ne faisait pas partie de la collection familiale dont j’ai hérité dans mon enfance, et que je l’ai donc découvert tardivement, dans une édition dont j’ai appris ensuite qu’elle est à éviter : au début des années 70, les Anglais avaient demandé à Hergé d’expurger de l’Or noir toute référence à la situation palestinienne des années 40… ce que le Studio Hergé s’est empressé de faire, salopant définitivement, tant narrativement que graphiquement, un livre ayant déjà souffert de sa difficile genèse. Interrompu en pleine parution dans le Petit Vingtième par l’invasion de la Belgique, il a été repris presque dix ans après alors que Tintin avait dramatiquement évolué (son apparence, sa personnalité et surtout son intégration dans une « famille » avec Haddock et Tournesol…), l’Or noir s’avère plus intéressant dans sa version « 1950 » que dans sa version disponible actuellement…
Le contexte y est clairement politique, pour la première fois depuis le Lotus Bleu : « guerre » entre les groupes activistes juifs et arabes, menace de conflit mondial clairement évoquée et importance stratégique du pétrole, Hergé avait lancé en 1939 l’Or noir sur des sujets pour le moins sérieux ! La reprise dix ans plus tard de l’histoire initiale n’est pas parfaite : si Hergé a soigné la transition graphique entre ses deux époques (la rupture se fait lors de la tempête de sable), et s’il a réussi à inclure le Capitaine Haddock et le Professeur Tournesol dans son histoire – d’une manière peu convaincante mais qui nous offre quand même le seul moment « méta » de toute l’œuvre d’Hergé, cette étonnante conclusion qui voit le Capitaine Haddock lui-même refuser d’expliquer la raison de sa présence -, l’Or noir souffre terriblement d’un scénario inconsistant, ennuyeux, qui répète des situations déjà vues maintes fois dans les albums précédents, quand il ne délègue pas complètement la poursuite de l’action aux Dupondt (Faut-il mettre cette débandade sur le compte d’une nouvelle dépression dans laquelle a sombré Hergé ?) !
Il faudra attendre les toutes dernières pages, et la savoureuse libération de l’inénarrable Abdallah pour retrouver un peu de la « magie Tintin ». C’est décidément bien insuffisant !
Eric Debarnot
Allez les intellos arrêtez de chercher la petite bête. J’ai toujours un grand plaisir de relire tous les tintin. Et je sais faire fi de quelques deviances supposées.
Ce n’est pas chercher la petite bête que de réfléchir à tout le contexte qui fait qu’une oeuvre aussi magistrale ait pu naître et marquer son époque. Et comprendre les mécanismes de la création n’enlève rien au plaisir qu’on prend à la lecture et à la relecture. Quant aux termes d’intellos, nous le revendiquons avec fierté.
Excellence réponse !
Hergé est un génie de la BD, c est un philanthrope qui a vécu avec son temps.
Dans quelle épisode des aventures de Tintin peut-on lire la réplique suivante :
«Enfer, mais ce n’est pas Goldstein !»
Je ne suis VRAIMENT PAS d’accord !!! La synthèse entre 1939/40 et 1948 est GENIALE !!! D’une part, la non explication de l’apparition de Haddock en fin d’album est d’espèce savamment humoristique (le fameux « c’est à la fois très simple et très compliqué ») mais peut aussi se rapporter à une mission secrète dont Haddock est investi (l’allusion au cargo « Untel » dont « le nom doit rester secret » … POURQUOI ?) … De l’autre, Tournesol, de radiestesiste, est investi d’un rôle de VRAI scientifique … en attendant le FORMIDABLE « bon en avant » de physicien atomiste … Enfin, la photo de Moulinsart en ruine représente un « cliché » de la Seconde guerre mondiale … C’est la refonte de 1971, par la volonté de l’éditeur anglais (toujours les Rosbifs) qui est NULLE !!!
Tout à fait d’accord avec la fin de ce commentaire. Changer la version du fait de l’histoire c’est comme vouloir marteler les mascaron des immeubles de Nantes sous prétexte que cela rappelle le temps des négriers …
Et d’autres exemples pourraient compléter. Laissons l’Histoire et arrêtons d’endosser tous ses travers !!
Hergé est un génie en transparence avec son époque. Philanthrope à sauver la veuve et l orphelin. Son œuvre est remarquable et moral.