A l’occasion de la sortie de leur premier album Une habitante touchée par une météorite, nous avons pu échanger avec le quatuor lyonnais d’Irnini Mons, responsable de l’une des musiques les plus singulières et excitantes du moment…
En 2022, le premier EP éponyme d’Irnini Mons nous avait surpris, et groupe lyonnais avait rapidement confirmé son originalité sur scène. Deux plus tard, quasiment jour pour jour, le quatuor sort son premier LP, Une habitante touchée par une météorite, et dévoile une étonnante évolution musicale. Si la frénésie reste bien présente, et promet d’ailleurs de beaux défoulements sur scène, leur musique protéiforme va explorer de nouveaux genres musicaux, toujours avec grâce, et fait quelque part écho désormais aux recherches soniques positives et dansantes d’un Bodega, par exemple…
Nous avons donc rencontré Fanny (Bouland – batterie et chant), Sabrina (Duval – guitare et chant), Guillaume (Carle : basse et chant) et Valentin (Fayaud – guitare et chant) pour faire le point sur leur singulière aventure : un entretien foisonnant, où quatre personnes volubiles ont confirmé cet enthousiasme qui déborde de leurs disques…
Benzine : Vous êtes lyonnais, donc ?
Valentin : Pas tous. On est basés à Lyon pour répéter et jouer, mais Guillaume habite à Grenoble, moi à Paris, et Fanny et Sabrina à Lyon !
Benzine : Comment vous vous êtes rencontrés, habitant comme ça dans des endroits éloignés les uns des autres ?
Fanny : On vient presque tous du même coin, du Vercors, on était au collège et au lycée ensemble, et Guillaume…
Guillaume : J’avais de la famille là-bas, et je connaissais les filles à travers leur groupe, Décibelles, et Valentin, par association, voilà !
Sabrina : Irnini Mons, ça a débuté en 2021, juste après le COVID… On a décidé de démarrer le projet à ce moment-là, en sachant qu’on jouait déjà tous les trois, avec Fanny et Guillaume, donc dans Décibelles depuis quelques années…
Benzine : Musicalement, vous venez d’où ?
Sabrina : Nous, avec Fanny, on a des influences diverses, mais on a commencé à faire de la musique ensemble à l’adolescence, et on a été très influencées par des groupes avec des filles dedans : Le Tigre, Yeah Yeah Yeahs… On étaient aussi fans du punk rock californien, en mode Blink 182, ce qui rejoint les influences de Valentin quand on était tous ensemble au collège. C’est hyper varié… nos « racines »…
Valentin : On va dire que c’est là où ça a commencé, les premiers groupes d’adolescents, mais on a tous été biberonnés au rock indie des années 2000, à l’époque où il y avait des trucs mainstream pas trop ringards. Les filles, elles, sont restées sur le punk avec leur groupe, mais sans doute avec des influences plus complexes, plus pop… Moi, j’ai fait pas mal de musique électronique, et c’est en rejoignant Irnini Mons que je me suis remis à ça…
Guillaume : Quand on a commencé le groupe, on était tous déjà matures dans nos choix musicaux, on n’avait pas à suivre une grosse vague du moment, ou bien les codes qu’il y avait en 2020.
Valentin : On a plus de trente ans, on a commencé à jouer très tôt dans des groupes, à un moment où le Rock était une musique de masse. Les ados d’aujourd’hui qui commenceraient un groupe n’auraient pas le même type d’influences…
Sabrina : Avec ce projet, on est assez libres là-dessus, on ne se dit jamais : « on va faire un morceau à la manière de Sonic Youth ou de Talking Heads« . D’ailleurs ce sont plutôt des groupes que je découvre maintenant.
Benzine : Cette espèce de grand écart entre des choses quasi-folkloriques, un peu humoristiques, et les dérapages bruitistes, sur scène en particulier, on trouve ça fabuleux, en tous cas…
Guillaume : Dans le premier EP, on voulait faire du noise, on n’est pas allés à fond là-dedans, mais on en a parlé…
Fanny : Ouais, on en parle encore, mais comme tout reste spontané…
Sabrina : Au lieu de se dire « on va faire un truc bruitiste », nous, on dit « on va faire un NUAGE ! » (rires)
Guillaume : Il y a beaucoup de choses qui changent en studio…
Benzine : Mais finalement, Irnini Mons, qu’est-ce que vous voudriez que ça soit ? Vous avez une vision de là où vous voulez aller ?
Fanny : Ce qui nous intéresse, c’est d’aller au bout de nos idées, d’être assez radicaux dans nos idées, d’éviter le premier degré autant dans les paroles que dans la musique. Je crois qu’on aimerait juste que ça évolue…
Valentin : On a une recherche de singularité. Même si ça se fait naturellement, notre volonté, c’est de ne pas ressembler à d’autres choses. Dans notre processus de composition, si l’un d’entre nous arrive avec des choses un peu trop « clichés », on se dit : « On pourrait pas trouver quelque chose qui nous ressemble plus ? ».
Guillaume : C’est pas par élitisme, des fois on revient, après avoir cherché, sur quelque chose de plus évident, en fait ! On met beaucoup d’investissements dans ce groupe, on essaie de se mettre sur les rails des groupes de rock indé en France, mais j’aimerais, moi, surtout que des gens nous disent : « Ooaouh ! Moi, j’ai eu envie de fonder un groupe après vous avoir vus en concert ! »…
Benzine : Et dans cet album, qu’est-ce qu’il y a de différent par rapport à avant ?
Sabrina : D’abord, il y a tout le processus d’écriture et de composition. Pour le premier disque, on venait juste de fonder le groupe, on ne savait pas encore comment se placer, chacun et chacune était plutôt arrivé avec des choses presque finies…. Là, on compose tout à quatre, on fait des ateliers d’écriture. Par exemple avec un riff de guitare que Val apporte, on par là-dessus… C’est la même chose avec les paroles, ça donne des choses chouettes, un peu rigolotes, on ne donne pas tous le même sens au texte.
Fanny : Ou bien on se donne un thème, chacun va dans son coin, écrit quelques lignes, on se lit nos phrases, et après – c’est souvent Guillaume qui tient ce rôle – on sélectionne. On est maintenant assez à l’aise tous les quatre pour faire ça…
Valentin : Dans cet album, il y a des choses plus pop…
Fanny : Le côté folklorique vient des polyphonies vocales : tout le monde aime chanter dans le groupe, les harmonies, ça donne un aspect médiéval, mais c’est vrai que ça se ressentait plus dans le premier EP, sur Feu de joie par exemple. Mais il y a toujours ce côté « voix travaillées » sur l’album…
Valentin : Sans s’en rendre compte peut-être, on voulait cette fois des choses légèrement plus pop, plus fraîches, on s’est retrouvés avec des chansons un peu plus formatées, mais pas dans le sens « radiophonique ». Mais il y a deux ou trois surprises bien prog, bien barrées !
Sabrina : On n’avait pas non plus fait de concerts avant d’enregistrer l’EP, alors que là, on a beaucoup tourné, ça nous a forcément influencés…
Benzine : Vous chantez en français, alors que la plupart des groupes français en ce moment choisissent l’anglais, pour pouvoir être connus en dehors de nos frontières…
Fanny : C’était une évidence pour nous, le français. Ce n’est pas notre ambition première d’être connus dans le monde (rires). Je ne vois pas la barrière que pose la langue dans la musique pour les Anglais, etc.
Valentin : Surtout pour des groupes indés, c’est même cool de chanter en français, quand on joue dans les pays frontaliers, ça ne pose pas de problème. Et puis, le plus important, c’est que le français, c’est notre langue, c’est un terrain d’expérimentation plus riche. Notre niveau d’anglais nous permet de commander des bières dans un pays étranger, mais exprimer des pensées poétiques, ou réfléchies, ça serait limité… Et je pense que ça l’est pour pas mal de groupes français qui chantent en anglais.
Guillaume : Bon, il y a aussi le fait que les références du rock en français, elles peuvent paraître un peu ringardes, et les gens disent : « Ah non, je ne veux pas faire du Téléphone, du Noir Désir, des choses comme ça ». Il y a tout un truc à construire, en fait…
Benzine : Dernière question : pourquoi une montagne vénusienne comme nom de groupe ?
Sabrina : Fanny s’est mise à faire des recherches aléatoires sur Wikipédia, et c’est tombé là-dessus !
Valentin : Et puis, après tout ce temps, on se met un peu à communiquer là-dessus, il y a un truc vaguement extra-terrestre qui va bien avec notre singularité aussi.
Fanny : Les choses nous tombent dessus, en fait, alors on les saisit et ça fait des trucs ! (rires)
Guillaume : Et puis c’est imprononçable, c’est bien (rires) !
Propos recueillis le 15 avril par Eric Debarnot