Nouveau voyage dans les sixties avec le duo de frangins The Lemon Twigs. Un an tout pile après un Everything Harmony doux et folk, voici A Dream is All We Know, son pendant joyeusement pop et rythmé.
Et dire qu’ils n’ont que 25 et 27 ans… Depuis le début de leur carrière, les frères D’Addario, Brian et Michael, se sont souvent vus renvoyer leurs âges à la figure. Aussi bien pour leur précocité (Do Hollywood, leur premier album sorti en 2016 alors qu’ils n’étaient qu’adolescents) que pour leur appétence pour une musique d’antan, les précédant d’un demi-siècle quasi : le rock pop des 60’s.
Une combinaison « jeunisme-vintage » au numéro d’équilibriste, où il a fallu à la fois éviter des accusations de mimétisme inauthentique et de partitions de singe savant. Tout un art qui a valu au duo de tenter des acrobaties, parfois au péril de leur propre crédibilité, partant dans un circus rock brouillon pour le second essai Go To School puis dans une veine glam rock sur le troisième, Songs for the General Public.
Et à force de jouer les tours de force, eux de perdre un peu du crédit engrangé avec le premier disque.
Il aura fallu le plus doux et baroque Everything Harmony l’an passé pour voir The Lemon Twigs renouer avec les éloges critiques. Posé, folk, très Simon & Garfunkel like, la fratrie avait besoin de ralentir la cadence, de moins partir dans tous les sens pour retrouver l’essence même de leur musique.
Un an s’est écoulé et les voici déjà de retour avec A Dream is All We Know, sorte de miroir plus rythmé et plus joyeux de son prédécesseur. Il suffit d’écouter My Golden Years, morceau introductif et premier single, pour être plongé dans l’ambiance et s’apercevoir que le binôme redémarre la Delorean, direction la Californie et 1966, le surf rock des Beach Boys en ligne de mire.
La liaison est directe, rien de caché, c’est totalement assumé. Ces deux garçons n’ont pas leur pareil lorsqu’il faut composer des petits tubes sucrés pop vintage, ils connaissent leurs classiques, répètent leurs gammes et trouvent toujours le moyen de retourner ce qui pourrait tourner à la parodie en de jolis revival.
Church Bells, Sweet Vibration, How Can I Love Her More, Peppermint Roses, tout autant de trouvailles que l’on jurerait sorti tout droit d’un jukebox poussiéreux, laissé dans le coin d’un bar à l’abandon. On retrouve dans cette série de titres de grosses influences Merseybeat également, donnant une rythmique pop solaire, qui renvoie à leurs guillerets débuts et surtout à leur insouciance. En se posant moins de questions, The Lemon Twigs regagne une certaine fraîcheur et donne l’impression de s’amuser. Et forcément il se dégage une joie communicative de ce disque.
A tel point que les balades, censées faire le pont entre les deux opus, peuvent frustrer en venant casser le mood avec un effet bubblegum pas toujours agréable. In the Eyes of the Girl, If You And I Are Not Wise ou Ember Days sentent trop l’eau de rose et dégoulinent de trop bons sentiments pour ne pas susciter la suspicion. C’est en forçant trop le trait ici que l’on peut reprocher parfois aux D’Addario d’être dans la posture. Surtout qu’ils savent très bien faire dans la douceur sans en mettre de trop, preuve avec le très bon I Should’ve Know Right From the Start.
Toujours est-il qu’en l’espace de deux albums en un an quasi tout pile (5 mai 2023 pour 3 mai 2024), The Lemon Twigs a su prouver qu’il n’était pas qu’un effet de style mais bien ce groupe composé de deux élèves studieux, brillants auquel on promettait un avenir radieux à ses débuts.
Deux disques aux opposés qui se complètent, deux faces d’une même pièce. D’une pièce retrouvée dans un grenier mais dont la valeur ne s’est pas estompée avec le temps.
Alexandre De Freitas