Sur une idée originale et séduisante (le troisième âge de héros), Noces de fleurs démarre fort, pour retomber malheureusement dans des travers habituels à la série de Sfar et Trondheim.
Un an après la parution d’Un héritage trompeur, ouvrage sombre et violent, Sfar et Trondheim nous offrent un virage à 180 degrés avec ce Noces de fleurs lumineux et plutôt léger, porté par le dessin élégant, presque enfantin, d’Aude Picault, et par une mise en couleur originale de Walter. En s’affranchissant cette fois des clichés de l’heroic fantasy, et en allant plutôt du côté du « conte moral rohmérien », les auteurs de ce dix-huitième tome de Donjon Monsters ouvrent clairement des pistes intéressantes…
On retrouve ici Isis et Herbert, vieillissant, toujours amoureux après tant d’années : ils fêtent leurs 30 ans de mariage (sur Terra Amata, on parle de noces de fleurs, sans doute parce que « noces de perle » n’aurait permis la rime rituelle en « eur ») en s’offrant un voyage au soleil dans de tranquilles contrées exotiques. Mais, rapidement, le périple amoureux se transforme en fuite éperdue devant des attaques brutales et répétées, dont l’origine est inconnue. Le fait que leur guide et pilote soit Andrée, que l’on a appris à connaître ces dernières années, a-t-il quelque chose à voir avec ces attaques ?
Située au niveau 115 du Donjon, cette histoire « post-Crépuscule » séduit d’emblée par la manière dont elle inscrit l’âge, et la fatigue afférente, mais aussi le sentiment de futilité des exploits passés, dans la trame narrative générale. La mise en image, presque naïve, d’Aude Picault, si elle désarçonne un peu a priori, tant elle s’éloigne de ce qu’on a l’habitude de voir dans la série, joue rapidement en faveur de Noces de fleurs, combinant à merveille ironie légère, second degré bienveillant et même tendresse vis à vis des personnages.
Il est dommage que la dernière partie du livre voit un retour qui semble excessif à la trame narrative générale, comme une sorte de tentative de faire rentrer au chausse pied cette histoire décalée dans le Donjon. Même si ce n’est pas désastreux, on ne peut s’empêcher de trouver un peu dommage que Sfar et Trondheim n’ait pas choisi plutôt de faire de cet album une parenthèse « enchantée », mais aussi humoristique et désabusée, au sein de leur grande fresque.
Eric Debarnot