Retour sur un petit phénomène sériel actuellement sur la plate-forme gratuite d’ARTE : la courte série d’animation d’Emilie Tronche, Samuel, ausculte avec précision, humour, et poésie les tribulations de toute personne qui a déjà eu 10 ans dans sa vie. Un régal.
Arrivée en catimini sur Arte il y a quasi deux mois, la série animée française Samuel, relativement courte – puisqu’il s’agit d’une vingtaine d’épisodes de cinq minutes environ, fait un carton en nombre de vues autant sur la plate-forme télévisuelle que sur les réseaux sociaux. Ce phénomène est assez inédit puisque l’on peut trouver sur Instagram ou TikTok, des extraits ou de nouvelles pastilles différentes de la série originale, que se relaient avec bonheur les internautes ayant adoré, dès le début, les aventures de ce petit garçon dans sa classe de CM2.
Car oui, justement, il y a a priori assez peu d’originalité dans le propos de la série : une chroniques issue d’un journal intime de Samuel, avec ses potes ou ses ennemis de sa classe de CM2, et des anecdotes plus ou moins importantes qui jalonnent une année scolaire des vacances d’été jusqu’aux suivantes – et une rentrée au collège tant redoutée… Avec drôlerie est une extrême précision, Emilie Tronche propose un regard très pertinent sur cet âge particulier, où l’on a plus du tout envie d’être un petit enfant, et pas encore vraiment un adolescent ; où toutes les situations, même les plus banales, peuvent devenir ultra primordiales pour le reste d’une journée d’aventures amoureuses ou amicales. Impossible donc, pour tout spectateur, de ne pas à un moment donné se retrouver dans les péripéties de ce jeune garçon ou de se remémorer des souvenirs d’école, où chacun a vécu exactement la même expérience…
Et c’est ce terreau quasi universel qui fait probablement le succès de cette série, puisque, comme cela arrive finalement assez peu souvent, tout le monde peut se retrouver en Samuel. Le bouche-à-oreille médiatique fonctionne à merveille, mais aussi probablement le bouche-à-oreille amical, familial, avec des parents qui peuvent montrer à leurs enfants à la fois ce qu’ils ont pu vivre – puisqu’on parle de la période de le milieu des années 2000, mais aussi forcément pour leurs propres enfants qui retrouvent ce qu’ils vivent de la même manière dans leur école actuelle.
La grande force de Samuel réside aussi dans son animation, presque minimaliste, faite uniquement de sortes de croquis superposés en noir et blanc, où les lignes et les courbes droites ou courbées, petit à petit, créent des paysages, des situations, des visages en très gros zoom, sans jamais finalement tomber dans du convenu ou de l’ultra léché. Le tout est agrémenté d’une musique qui conjugue tubes de l’époque chantés et dansés par Samuel, qui surgissent parfois dans une version différente de celle que l’on connaît. Et cette association de musique et dessin au crayon permet à l’imagination et à la poésie de prendre le dessus et de donner à l’ensemble son caractère à la fois simple et très émouvant.
Difficile donc de ne pas aimer ce petit Samuel, ses espoirs, ses déboires, ses montagnes de doute pour d’infimes détails, mais qui ont tellement leur importance quand on a son âge… On a tous été, ou on est tous Samuel…
Jean-François Lahorgue