Stella Lory et Marion Duclos adaptent le roman doux et amer de Yasmina Khadra sur la guerre d’Algérie, sans véritablement convaincre.
Né en 1955, Yasmina Khadra a vécu la guerre civile algérienne des années 1990. Officier de carrière, il a servi dans l’armée et lutté contre l’AIS et le GIA. Il n’a pas choisi de raconter sa guerre, mais celle, toute aussi cruelle, de la génération précédente.
Younès est un Algérien de dix ans, blond et aux yeux bleus. Trop pauvre pour le scolariser, son père le confie à son frère, un pharmacien aisé marié à une française. Proche de Messali Hadj, l’oncle est arrêté et torturé. Il quitte Oran pour s’installer à la campagne. Renommé Jonas, Younès y découvre une vie confortable et se fait des amis colons, Jean-Christophe le volontaire, Fabrice le poète, Simon le joyeux, la belle et fantasque Isabelle, fille du potentat local et la mystérieuse Émilie, sans oublier André l’impitoyable et son souffre-douleur Jelloul. La France célèbre la victoire contre les nazis, mais l’Algérie bouge. Le petit monde de Younès va être entrainé dans la guerre civile.
Le scénario de Stella Lory semblait vouloir raconter la tragédie algérienne, quand la guerre cède la place aux amours d’Émilie, qui aguiche ses amis, jusqu’à épouser Simon, tout en se déclarant amoureuse de Younès. Ce dernier refusera de choisir entre elle et ses amis, tout comme il refusera de choisir entre le FLN et les colons.
Le dessin de Marion Duclos peut rebuter. Original, il associe un tracé aussi brut que léger, des décors minimalistes et des couleurs vives et tranchées. La douceur de l’aquarelle et le trait précis mettent de fortes images sur cette histoire d’ombre et lumière, d’amour et de haine. Si les visages semblent esquissés, les proportions et les expressions sont justes et les personnages parfaitement identifiables. La lecture est aisée et les pages filent vite.
Entretemps, Younès est devenu pharmacien. Il tente de rester juste, digne et généreux. Simon est tué, Fabrice a disparu. Jean-Christophe rejoint l’armée, puis poursuit dans l’OAS. Jelloul a pris du galon dans les rangs du FLN. Jonas soigne les blessés algériens, tout en refusant de s’engager. Les évènements se précipitent et le format s’avère insuffisant pour répondre aux attentes, même si la fin est belle et inattendue.
La lecture nous laisse sur notre faim, mais Ce que le jour doit à la nuit nous aura utilement rappelé la folie de la colonisation et, plus encore, celle de la lutte armée contre une aspiration légitime à l’indépendance.
Stéphane de Boysson