Suite directe d’Objectif Lune, On a marché sur la Lune est un album de légende, qui a frappé l’imaginaire mondial, 15 ans avant que la NASA ne réalise l’exploit d’envoyer un être humain poser le pied sur notre satellite. Avec quand même bien moins de brio que Tintin !
Dans la nuit du du 20 au 21 juillet 1969, Neil Armstrong pose le pied sur le sol lunaire. Nous sommes devant nos écrans de télé, témoins de cet événement que tout le monde célèbre comme une étape marquante du développement de l’humanité. Tout le monde ? Non ! Les lecteurs fidèles de Tintin doivent s’avouer, honnêtement, un peu déçus. La réalité manque sérieusement de panache par rapport à ce que l’imagination d’Hergé nous a fait vivre, avec la magnifique fusée à damiers, longtemps avant…
On a marché sur la Lune est l’un des Tintin les plus unanimement aimés à travers le monde. Le relire permet à chaque fois de confirmer le niveau de maîtrise graphique et narrative auxquels sont parvenus Hergé et son « Studio », et surtout de retrouver un vieux plaisir, enfantin mais pas que… : rempli de péripéties tour à tour hilarantes et angoissantes, certaines joliment « visionnaires » (la dérive de Haddock dans l’espace qui reste une sorte de mètre-étalon des scènes de ce genre au cinéma), d’autres gentiment farfelues (la glace sous la surface de la lune, extrapolation hardie de Hergé), On a marché sur la Lune nous offre notre content de sensations fortes, sans doute au delà des albums précédents.
Je sais bien que les gens « sérieux » ont relevé pas mal de points techniquement erronés, voire d’aberrations (l’absence de soleil, les instruments d’observation inutiles, l’usage du lasso dans le vide, l’astéroïde Adonis, etc.), mais honnêtement, cela a-t-il jamais posé un problème à un quelconque lecteur ? Je préfère quant à moi me pencher sur le duo mal assorti de « méchants », le nazi implacable et le traître rongé par la culpabilité et par la honte, qui introduisent un niveau d’ambiguïté et une absence de manichéisme inédits dans l’œuvre d’Hergé. On verra d’ailleurs l’un mourir d’une balle sous nos yeux et l’autre se suicider : même si c’est là le second suicide des Aventures de Tintin, après celui de l’infâme Mitsuhirato dans le Lotus Bleu, cette violence (qui fut d’ailleurs reprochée par Casterman et les milieux catholiques belges) témoigne combien Hergé reconnaît le passage à l’âge adulte de sa création. Les larmes du Capitaine Haddock marquent aussi l’apparition d’émotions inédites, d’une humanité qui va s’épanouir dans la dernière partie de l’œuvre d’Hergé.
Avec son final magnifique au cours duquel la mort des héros semble vraiment possible, On a Marché sur la Lune nous a marqués durablement, et continue de nous enchanter 70 ans plus tard, alors que (au moins à date…) plus personne ne marche sur la Lune.
PS : A noter quand même un point sur lequel Hergé a manqué d’intuition, celui de la médiatisation d’un tel événement, qu’il a complètement ignoré, préférant jouer la carte du « secret militaire », caractéristique de ces années de Guerre Froide.
Eric Debarnot
Merci pour ces articles sur Tintin. On a marché sur la Lune est mon album préféré. Les différentes péripéties des personnages sont toutes très bien amenées mais j’ai une préférence pour les Dupondt.