La course entre les salles continue pour notre Sergent qui a vu cinq films ce samedi 18 mai, dont trois signés de pointures du cinéma qui ont pour nom Yórgos Lánthimos, Paul Schrader et Jiǎ Zhāng-Kē.
Kinds of Kindness, de Yórgos Lánthimos
Ce nouvel opus est un agrégat de trois récits distincts, avec le même casting jouant à chaque fois de nouveaux rôles. L’avantage sera celui du renouvellement et d’un état d’étonnement savamment entretenu, d’autant que les histoires en questions se nourrissent de l’absurde mâtiné d’humour noir habituel chez le réalisateur. Tout est donc possible, et tout peut basculer à n’importe quel moment. L’inconvénient, c’est que… tout est possible, justement. Après un premier segment de très haute tenue, métaphore kafkaïenne du monde du travail, Lánthimos semble inquiet qu’on le pense assagi, et nous balance par tonneaux, échangisme, cannibalisme, paranoïa aigue, sectes, viol conjugal, éventration et vomi. Audacieux, parait-il, mais surtout assez gratuit, dans une machinerie de 2h50 qui pourrait en faire la moitié comme le double, et n’a pas grand chose d’autre à offrir que cette éphémère saveur de l’insolite.
Sortie le 26 juin. (En compétition pour la Palme d’or)
Oh, Canada, de Paul Schrader
Paul Schrader, 77 ans, notamment célèbre pour ses scenarii à destination de Scorsese (Taxi Driver, Raging Bull…) nous revient donc avec son 24e long métrage en tant que réalisateur, lui qui traverse depuis quelques années une embellie de fin de carrière après un sérieux passage à vide. Oh, Canada, adaptation du roman de Russell Banks, voit le retour de Richard Gere, qui partage l’affiche avec Uma Thurman et l’étoile montante Jacob Elordi. Un récit crépusculaire et fragmenté qui poursuit les obsessions du cinéaste sur les regrets et la part d’ombre de ses protagonistes, tout en accédant à une sagesse nouvelle et poignante. Multipliant les formats, le noir et blanc et la couleur, il construit un savant dispositif de mise en scène pour un récit testamentaire déchiré par les doutes, la douleur et la maladie, dans un très juste équilibre entre la forme et le fond. Une vraie réussite. (En compétition pour la Palme d’or)
Caught by the tide, de Jiǎ Zhāng-Kē
Caught by the tide voit le retour d’un abonné Cannois, le cinéaste chinois Jiǎ Zhāng-Kē, qui rêve depuis des années de la récompense suprême. Ses deux précédents films avaient déjà cette tendance à faire de son œuvre un grand ensemble qui procède par échos et auto-références, un procédé qui va se déployer ici : le film est en effet une rétrospective sur la Chine du XXIe siècle dans lequel on retrouve certains motifs récurrents, comme le chant, les danses ou ce lieu qu’est le barrage des trois gorges, déjà au centre de Still Life. Poème visuel fragmenté, il frise par moment le diaporama d’instants clés de l’Histoire nationale, et exige du spectateur une patience certaine – les 35 premières minutes semblent un bout à bout de films amateurs sur les milieux populaires chinois et leur goût pour la chanson – mais installe sur la durée une montée en puissance tout à fait singulière. Sans les mots, par les images et une place très importante accordée à la musique, le cinéaste poursuit son portrait d’un pays qu’on détruit pour le faire, du moins en apparence, avancer. (En compétition pour la Palme d’or)
Une langue universelle, de Matthew Rankin
La petite pépite du jour nous vient du Québec, avec Une langue universelle, de Matthew Rankin, récit d’un retour dans sa ville natale de Winnipeg pour un homme qui renoue avec un environnement multiculturel aussi déjanté que poétique. L’inventivité poétique est constante (on pense souvent à Tati), l’humour décalé toujours efficace, et la leçon humaniste sur la solidarité plus que bienfaisante. Un grand coup de cœur largement partagé par une salle extatique. (Quinzaine des Cinéastes)
La Prisonnière de Bordeaux, de Patricia Mazuy
Patricia Mazuy nous offre un duo au sommet entre deux très grandes comédiennes, Isabelle Huppert et Hasfia Herzi. L’amitié entre deux femmes de détenus après une rencontre au parloir, récit de sororité et d’émancipation avec tous les codes sur la fracture sociale entre la bourgeoisie et les milieux populaires. L’intrigue est assez convenue et le film se cantonne à une certaine légèreté de ton, mais les performances des deux actrices le rendent très attachant. (Quinzaine des Cinéastes)
Plus de détails sur le Journal du festivalier du Sergent Pepper
Habitué du festival, depuis 20 ans, je suis surprise que personne ne soulève que le festival (dirigée à présent par une ancienne de Warner) est à présent aux mains des américains. Un hommage à Georges Lucas, quel sens cela a pour un homme d’affaires paresseux qui a volé « Star wars » à Kurosawa et n’a rien fait depuis « Howard » dans les 80’s ? Des films français en compétition ? Oui, à condition qu’il y ait des stars américaines dedans. Kevin Costner en compétition, sérieux ? Bref, après la guerre Apple/Samsung, voici la guerre Venise, Cannes et le perdant sera le consommateur. Et les prochaines années ce sera encore pire et Fremaux sera débarqué…