Parmi tous les films présentés à Cannes ce dimanche 19 mai 2024, il y avait les nouveaux Jacques Audiard, Laetitia Dosch, Kirill Serebrennikov, Guǎn Hǔ et Leos Carax. Avis à chaud sur ces cinq œuvres…
Emilia Perez, de Jacques Audiard
Projet étonnant que ce Emilia Perez, qui suit la transition de genre d’un chef de cartel échappant à son passé, le tout en comédie musicale. Un film osé, lyrique, fonçant avec jovialité sur tous les attendus d’un tel format, parfois à l’excès, mais avec une indéniable maestria. Les passages musicaux sont d’une grande vitalité et écrivent sans rougir un nouveau chapitre de ce genre, toujours à renouveler. Dommage que l’évolution de l’intrigue s’embourbe dans une série dispensable de clichés. Le film est clairement taillé pour la Compétition, et devrait faire son effet sur le jury présidé par Greta Gerwig : on peut à ce stade lui prévoir la récompense suprême et un destin à la Anatomie d’une chute qui comme lui avait la capacité de réconcilier une partie de la critique et du public. Quand on y pense, la fin de Dheepan était aussi totalement foirée et ça ne l’a pas empêché d’avoir le destin qu’on lui connait… (En compétition pour la Palme d’or) – Sortie le 28 août
Le Procès du Chien, de Laetitia Dosch
Laetitia Dosch présente Le Procès du Chien, qu’on s’amuse à considérer comme une suite officieuse à Anatomie d’une chute, puisqu’on y trouve donc un procès, un chien, un aveugle et un enfant. Fable absurde déviant malicieusement vers des dissertations éthiques et un plaisant brûlot féministe, le film s’en sort très bien, et a suscité l’approbation du public. Ceci étant dit, c’est pas mal d’attendre la fin du film et les acclamations pour le faire savoir. Durant la séance, une spectatrice derrière moi n’a cessé d’interagir avec les personnages, poussant cris d’effroi, onomatopées d’indignations ou petits bruits de désapprobation, à la manière de ces mamies qui commentent les conversations et te proposent une sorte de bande originale continue. À croire que des membres de sa famille (voire son propre chien) figuraient à l’écran, et qu’elle n’avait pas vraiment compris le principe de la fiction. On dira que ça prouve la capacité d’immersion du film… (Un Certain Regard) – Sortie le 11 septembre
Limonov, la ballade, de Kirill Serebrennikov
Biographie diffractée d’un auteur/révolutionnaire complexe et contradictoire, portrait d’une URSS en voie de décomposition, le film, comme toujours virtuose en termes de mise en scène, entre en osmose avec son personnage (réel) pour un résultat baroque, contradictoire, saturé de colère, de sexe, de convictions et de désillusions. Du grand et puissant cinéma, que j’espère voir figurer au palmarès. (En compétition pour la Palme d’or)
Black Dog, de Guǎn Hǔ
ce film est celui que Jiǎ Zhāng-Kē pourrait réaliser s’il ne se prenait pas pour un génie du cinéma d’auteur. Les thématiques sont les mêmes, à savoir une Chine en voix de destruction pour se reconstruire (ici à l’approche des J.O. de Pékin), un personnage mutique et le portrait d’un pays qui ne comprend pas trop comment il avance. L’histoire est certes assez convenue, sur le retour de prison d’un homme qui va s’attacher à un chien errant, mais les images sont superbes et la mise en scène d’une grande finesse. Petit coup de cœur. (Un Certain Regard)
C’est pas moi, de Leos Carax
Le film semble reprendre le flambeau des poèmes visuels qu’offrait Godard sur la fin de sa carrière. Textes, extraits de ses films et de ceux des autres, voix off sépulcrale, réflexion sur l’actualité, la montée des extrêmes, l’ensemble pourrait paraitre rebutant, c’est pourtant une pure merveille. Parce que la dérision et l’humour sont toujours en embuscade, le propos d’une sincérité viscérale, l’ode au cinéma d’un enthousiasme sans borne et la poésie bienfaisante. En espérant que le cinéaste se mette rapidement au travail pour nouveau long métrage. Sortie le 12 juin.
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