« Des promesses sous les balles » d’Adrian McKinty : le retour de Sean Duffy

Les éditions Fayard publient enfin le quatrième volume des enquêtes de Sean Duffy, un policier catholique en Irlande du Nord dans les années 80. McKinty use une nouvelle fois de la trame classique d’un polar hyper efficace pour nous dépeindre les Troubles du conflit nord-irlandais.

Adrian-McKinty
Adrian McKinty – wikimedia

La parution en France du quatrième volet de la série « Sean Duffy » de l’Irlandais Adrian McKinty nous permet enfin de retrouver un auteur essentiel que l’on a pourtant failli ne plus jamais lire. Revenons un peu en arrière…
En 2003 paraît le premier (et formidable) roman noir d’Adrian McKinty. A l’automne, je serai peut-être mort impose d’emblée l’écrivain comme l’un des meilleurs représentants du polar irlandais, aux côtés notamment de Ken Bruen. McKinty enchaîne alors les romans. Avec son style singulier, qui mêle violence et humour noir, McKinty rencontre un vrai succès critique et plusieurs de ses romans sont récompensés. C’est notamment le cas de Rain Dogs, cinquième volume de la série « Sean Duffy » (inédit en français), qui reçoit le prestigieux prix Edgar Allan Poe du meilleur livre de poche original. Pourtant, en dépit de la qualité de son œuvre, McKinty ne vend pas beaucoup de livres.

des promesses sous les balles La suite relève quasiment du scénario hollywoodien. Confronté à d’importants problèmes financiers, McKinty décide d’abandonner l’écriture. Il devient barman, chauffeur Uber… L’histoire aurait pu en rester là sans l’intervention providentielle de Don Winslow. L’auteur de La Griffe du chien, qui a appris les déboires rencontrés par McKinty, en parle à son agent et le convainc de faire quelque chose. Shane Salerno, l’agent en question, propose alors à McKinty de transformer l’une de ses nouvelles en roman. Il lui verse un acompte de 10 000 dollars pour lui permettre de se consacrer entièrement à cette tâche. Quelques mois plus tard, La Chaîne rencontrera un succès planétaire.

L’histoire est belle – et sans elle, sans doute n’aurions-nous pas eu la chance de lire en français Des promesses sous les balles – mais on ne peut s’empêcher de se dire que McKinty aura finalement connu le succès qu’il mérite avec un roman très différent des précédents. La Chaîne est un pur thriller, efficace et bien mené ; mais on est loin de la noirceur et de l’humour des autres livres de l’auteur. Surtout, on n’y retrouve jamais tout ce qui fait la valeur des « Sean Duffy », l’arrière-plan historique et politique.

C’est en 2012 que McKinty a entamé sa série consacrée aux enquêtes de l’inspecteur Sean Duffy. Une terre si froide nous permet alors de découvrir ce jeune policier mélomane, amateur de musique classique comme du Velvet Underground. Son opiniâtreté et son humour cinglant en font un personnage immédiatement attachant. Il l’est d’autant plus qu’il évolue dans un contexte particulièrement hostile. En effet, McKinty a choisi de situer ses intrigues dans l’Irlande du début des années 80 ; l’action d’Une terre si froide se déroule en Irlande du Nord, près de Belfast, à Carrickfergus, en 1981, c’est-à-dire au moment-même de la grève de la faim des prisonniers républicains irlandais. Nous sommes en plein conflit nord-irlandais et Duffy, inspecteur catholique dans une police à majorité protestante, est chargé d’enquêter sur le meurtre de deux homosexuels. Ces ingrédients (arrière-plan historique et intrigue policière), nous les retrouvons dans chacun des romans de série, dont Des promesses sous les balles, le quatrième opus mais qui peut être lu indépendamment des autres, et qui vient de paraître en France. Duffy doit enquêter sur un double meurtre : un homme et sa femme ont été abattus chez eux et tout indique que leur fils est le coupable. Mais, en Irlande du Nord en 1985, rien n’est simple et Duffy flaire vite que les apparences ici sont certainement trompeuses.

Comme dans les précédents romans, l’attrait du mystère policier fonctionne parfaitement car McKinty est un habile artisan et il sait construire une intrigue qui donne envie de tourner les pages, uniquement pour savoir. Michael Kelly a-t-il vraiment tué ses parents ? Pour quelles raisons ? Que cache la disparition du jeune homme ? Fuit-il la police ou quelqu’un d’autre ? Autant de questions bientôt complétées par d’autres interrogations qui charpenteront un récit passionnant. Mais, ce qui fait le sel de ce roman, c’est la capacité de l’écrivain à entrelacer petite et grande histoire, à parler du conflit nord-irlandais et de sa complexité dans le cadre d’un récit limpide et distrayant. McKinty distille ainsi des détails, des éléments de réel qui donnent toute sa consistance au roman. La brève postface éclaire d’ailleurs parfaitement le projet romanesque de McKinty.

Espérons donc que ce livre rencontre le succès qu’il mérite et que l’on retrouve très vite Sean Duffy, assurément l’un des personnages les plus attachants du polar contemporain.

Grégory Seyer

Des promesses sous les balles
Roman d’Adrian McKinty
Traduit par Pierre Reignier
Éditeur : Fayard noir
448 pages – 22 €
Date de parution : 17 avril 2024