Même si on avait déjà beaucoup vu et apprécié sur scène les forcenés de Frankie and The Witch Fingers, dispensateurs d’un rock extrême mais également souriant et bienveillant, il nous faut admettre que ce dernier set à la Maro a encore dépassé nos attentes. Un groupe désormais au sommet !
Quand on va voir Frankie and The Witch Fingers sur scène, on sait a priori à quoi s’attendre : un rock tendance garage, mais particulièrement violent, survolté, qui sera déversé sur nous (ou dans nos oreilles rapidement en souffrance) avec une générosité sans guère d’équivalent en ce moment. Une soirée extrême, pendant laquelle on s’amusera beaucoup, mais d’où on sortira physiquement lessivé. Pouvions-nous espérer quelque chose de différent ce soir à la Maroquinerie ? Certains fans se montraient même réticents : « Je les ai vus il y a quelques mois, cette fois, je n’y retourne pas… ». Sous-entendu : ça sera la même chose que d’habitude…
20h10 : Mais avant, on retrouve Ménades, découvertes il y a peu, et c’est un plaisir de les revoir, surtout devant un public plus « engagé » que celui du FGO Barbara… puisque c’est quand même un public venu pour Frankie ! Du coup, la belle énergie de Ménades est bien renvoyée par un public qui « monte dans les tours » au même rythme que le groupe. La chanteuse est toujours très convaincante, aussi bien au chant qu’en termes d’intensité et de présence scénique, et le tourbillon enthousiaste généré par les autres musiciens aide le set à atteindre une belle puissance, comme sur les excellents Hydrate-toi et – surtout – Good Partner, encore une fois le sommet d’un set réellement convaincant. On termine au bout de 30 minutes par les « Je n’ai pas besoin de toi » à la fois colériques et libératoires de Cramée. La confirmation d’un potentiel indéniable.
Frankie and The Witch Fingers ont dû arriver trop tard pour faire un sound check l’après-midi, car nous avons droit à de longs réglages avant que le set puisse commencer, avec un peu de retard. Néanmoins, on ne s’ennuie pas en attendant, l’équilibrage minutieux du son sur scène étant passionnant à observer (on a presque l’impression d’un tout petit concert préparatoire !). Le résultat sera d’ailleurs étonnant tant, du coup, on bénéficiera au premier rang d’une qualité sonore remarquable, rare pour un groupe jouant ce genre de musique radicale, qui plus est au niveau sonore ébouriffant qui est le leur.
21h15 : le set démarre sur Empire, puis Futurephobic, deux titres du dernier album, Data Doom, se caractérisant par l’ajout de sonorités électroniques au clavier, à la fois futuriste et rétro. On est immédiatement impressionné par l’efficacité du groupe, chaque musicien excellant sur son instrument tout en restant totalement au service d’un son compact, qui déferle sur le public comme un véritable tsunami.
C’est d’abord la batterie brutale et sèche (et néanmoins sophistiquée) de Nick Aguilar qui est le moteur inarrêtable du groupe, même si les regards sont logiquement fixés sur Dylan Sizemore, hurleur forcené et guitariste rythmique frénétique, et sur Nikki Pickle, bassiste éternellement souriante et au maquillage fluo du plus bel effet. Ils dégagent une positivité totale, et ce set musicalement parfait permet aussi de savourer le jeu de guitare régulièrement « stoogien » de Josh Menashe, qui transforme littéralement certains titres en brasiers.
Ce qui est clair aussi, c’est la variété des genres musicaux parcourus, derrière la formule « garage punk » : il y a parfois du groove, parfois du pur métal, il y a d’autres fois des ambitions quasi progressives dans la construction des morceaux (comme Dracula Drug) qui passent par des phases successives plus sophistiquées qu’il ne semble au premier abord.
Mais, bien sûr, tout cela est joué avec une frénésie littéralement inconcevable, créant le sentiment que chaque titre est plus violent encore que le précédent… Et que, quand on pense que l’intensité a fini de monter, Frankie arrivent encore à accélérer (Cops and Robbers, une tuerie, comme on dit).
Le public est évidemment aux anges, ça slamme du début à la fin du set d’une heure cinq, mais on restera quand même – à quelques exceptions près, malheureusement – dans le respect et la bienveillance. Même si, comme toujours, avec l’énormité du son déversé par Frankie and the Witch Fingers, le set est physiquement éprouvant…
Les musiciens sont visiblement aussi contents que nous du concert, puisqu’ils nous offrent un rappel exceptionnel (pas dans leurs habitudes, ça…). Et pour ce rappel, Dylan, torse nu, a abandonné sa guitare et saute dans la foule : il chantera toute la chanson porté par les fans, alors que la Maroquinerie a littéralement explosé de joie.
Conclusion de la soirée : même fans depuis toujours de Frankie and the Witch Fingers, on n’espérait pas un set aussi magistral, conjuguant ainsi furie, enthousiasme et maîtrise technique de la part de musiciens hors pair. Et si Frankie étaient désormais au sommet ?
Texte : Eric Debarnot
Photos : Robert Gil