Après s’être occupé de sa famille dans Wonderland, son précédent livre, Alexandre Labruffe s’intéresse cette fois à la famille de sa compagne, à travers un récit en forme d’enquête, pour tenter de comprendre comment l’oncle de celle-ci a fini mort congelé au Canada en 1972.
Alexandre Labuffe vit avec Minkyung, une femme sud-coréenne dont l’oncle a été retrouvé mort, congelé dans un local à poubelle, en 1972, alors qu’il venait de s’échapper d’un hôpital psychiatrique de Toronto, la ville où il vivait avec son frère. Une information que l’auteur, un beau jour, reçoit de sa compagne, et à partir de laquelle il va imaginer un récit en forme d’enquête, pour remonter le temps et tenter de comprendre ce qui s’est passé pour cet oncle et surtout d’en apprendre un peu plus sur la famille de Minkyung.
Mi-détective, mi-reporter, mais surtout écrivain complet, notre Alexandre Labruffe, depuis son petit appartement chinois où il est confiné, épluche le net pour remonter aux sources du fait divers, tenter de retrouver un article, même un entrefilet, n’importe quoi qui lui permettrait de démarrer son enquête. Son « cold case », comme il a nommé ce livre.
Remonter le temps pour remonter dans l’arbre généalogique familial, pour se rendre compte que le frère du macchabé était aussi lui aussi hospitalisé en psychiatrie. En compagnie de Minkyung, Labruffe va partir en Corée, pour tenter d’interroger la famille, mais aussi assister à des séances de chamanisme… le livre, prenant, au fil des chapitres, une tournure presque mystique, notamment quand il évoque le souvenir comportements dysfonctionnels de Minkyung, donnant lieu à quelques révélations cocasses, comme cette soirée bien arrosée qui est partie en sucette au moment où Minkyung s’est mise à hurler en pleine nuit, laissant son compagnon dans le désarroi le plus total, devenant d’un seul coup présumé coupable de maltraitance envers sa compagne.
Mais ce livre, c’est aussi et surtout un bel hommage, et, en même temps, une déclaration d’amour d’Alexandre Labuffe à sa compagne. L’auteur s’adresse à elle en permanence, la harcèle de questions, suppute sans cesse pour tenter de l’aider à faire le deuil de ses fantômes, à la faire avancer sur ses traumatismes passés, tout en s’amusant avec elle de son accent, de ses fautes de français, qui lui font dire un mot pour un autre, donnant au livre une forme de fantaisie, malgré la gravité du sujet.
Très libre dans sa forme, le roman est entrecoupé de haïkus, d’extraits de presse, de définitions, avec également des titres de chapitres qui renvoient au cinéma – Dernier train pour Busan, Cris et chuchotements, L’image manquante…
Comme toujours, chez Alexandre Labruffe, les phrases se succèdent un rythme soutenu, elles sont courtes, et l’histoire au moins aussi abracadabrante que dans Chroniques d’une station-service, Un hiver à Wuhan et Wonder Landes, ses trois précédents romans. Bref, du Labruffe pur jus ! Un auteur qui, soyons-en sûr, n’a pas fini de nous étonner avec ses histoires incroyables… mais vraies !
Benoit RICHARD