Il est difficile d’admettre le retour dans Coke en Stock à un certain nombre de travers de Tintin qu’on pensait loin derrière nous, après l’enchaînement de chefs d’œuvre l’ayant précédé. Heureusement, la suite immédiate de l’œuvre de Hergé montrera qu’il ne s’agit que d’une faiblesse passagère…
Il y a fort à parier qu’un lecteur novice de 2024 s’étonnerait que le trafic auquel s’adonnent les (nombreux) « méchants » de Coke en Stock ne soit pas celui de… cocaïne… l’usage du charbon comme combustible ayant disparu de nos contrées… A douze ans, j’avais adoré cet album de Tintin, en grande partie pour son épisode maritime qui permet à Haddock de retrouver un (court) instant son noble métier de capitaine, qui multiplie les naufrages et les dangers dans une ambiance « de guerre » unique dans l’œuvre d’Hergé (le commentaire du commandant du « Los Angeles » page 54 – « la guerre est finie, non ? » – est d’ailleurs à mon sens la seule référence apparaissant jamais dans Tintin à la Seconde Guerre Mondiale…).
En relisant Coke en Stock aujourd’hui, je me rends compte que j’en ai oublié les péripéties – qui sont, de fait, peu mémorables – à l’exception de cette petite trentaine de pages maritimes (la moitié du livre quand même) qui restent elles-mêmes absolument parfaites. C’est que Coke en Stock souffre d’un scénario marabout-de-ficelle incroyablement laxiste, comme si Hergé revenait au « manque de sérieux » de la première époque de Tintin. En fait, l’histoire se contente surtout de faire réapparaître sans véritable raison un nombre ridiculement élevé de personnages des albums antérieurs : on sait que Hergé avait décidé de s’inspirer de ce « truc de narration » de la Comédie Humaine de Balzac, mais on comprend moins le j’menfoutisme de la construction, puisque Hergé était, dans les années 56 à 58, sorti de sa dépression, et qu’il pouvait se consacrer totalement à un Tintin dont le succès international explosait littéralement… A moins de supposer que son nouvel amour pour la jeune Fanny ait eu un moment priorité sur sa fameuse conscience professionnelle !
Bref, Coke en Stock est un album qui divise le lecteur, entre magie et ennui – encore une histoire de déambulations au Moyen Orient ! Les gags fastidieux autour des farces d’Abdallah (l’un des personnages les moins intéressants de la saga), la régression absurde de Tournesol, rétrogradé de grand ponte de la conquête spatiale à inventeur de patins à roulettes motorisés, la froideur croissante du personnage de Tintin lui-même, ont malheureusement le dessus sur la pertinence de la dénonciation de la traite d’esclaves au Moyen-Orient (qui était encore une terrible réalité à l’époque où Coke en Stock a été créé…)
Et puis, à une époque où on aime bien chercher des poux à Hergé et son Tintin quant à la vision dépassée de la supériorité des « blancs » sur les autres races et cultures, Coke en Stock contient quelques scènes gênantes dans la description des pauvres victimes africaines de l’ignoble trafic, et de l’aide indispensable que doit leur apporter l’Occidental… C’est finalement sa conclusion, sombre et réaliste, qui sauve partiellement Coke en Stock : les « méchants » se tirent aisément d’affaire, comme dans la vraie vie ! … Même s’il s’agissait sans doute pour Hergé de se laisser la possibilité de les faire revenir dans les albums suivants !
Eric Debarnot
l’œuvre d’Hergé ne mérite aucune critique…je lis tintin depuis 1956.
Et ceci pour tout les albums et ses créations
« Ne mérite aucune critique » ? Devons-nous laisser notre cerveau au vestiaire ? C’est là une drôle de conception de notre rapport à l’oeuvre d’art, quelle qu’elle soit !