Tentative un peu ratée de retoucher le jackpot planétaire qu’avait réussi Squid Game, The 8 show réussit quand même à nous maintenir intéressés devant une nouvelle allégorie cruelle sur la violence dans une société basée sur l’argent et l’image.
On imagine bien la satisfaction des « décideurs » de chez Netflix Corée quand ils ont découvert le webtoon Money Game (et sa suite Pie Game), parfaits candidats à une récupération en format série TV, pour tenter de reproduire le succès planétaire de Squid Game ! Et la sortie sur la plateforme au N rouge de The 8 Show prouve d’abord une chose : les plateformes appliquent plutôt stupidement la même politique du copié / collé qui a amené ces dernières années les Studios Hollywoodien au désastre artistique (voire financier) que l’on connaît.
Pas de surprise donc, The 8 Show reprend le principe de Squid Game, avec huit candidats ayant désespérément besoin d’argent entrant dans un jeu dont ils ignorent les règles et les conséquences potentielles (on leur a juste promis que « personne ne mourrait » !)… Et qui, une fois qu’ils ont découvert – non sans difficulté – les règles du jeu, vont devoir être créatifs pour pouvoir se tirer d’affaire. Par certains côtés, The 8 Show est à la fois plus réaliste et plus pertinent que Squid Game : en adoptant le principe d’un show de téléréalité à peine plus barré et ignoble que ceux qui prolifèrent déjà à travers la planète, en n’offrant aucun contre-champ à l’horreur que vivent les candidats qui sont ici les seuls responsables de leurs propres malheurs, The 8 Show se présente comme une parabole « politique » ou « philosophique » (selon que l’on considère que c’est la société capitaliste qui dévoie les instincts des gens en les rendant addicts à l’argent et à l’image, ou que, tout naturellement, « l’homme est un loup pour l’homme ») plus « pure », plus violente aussi que ne l’était Squid Game : exit le côté thriller énigmatique de la série à succès, ici, on est dans le pur drame psychologique. Il n’y a dans The 8 Show aucune énigme « policière », puisque les huit méchants sont devant nos yeux depuis le début !
On pourra donc réfléchir à loisir pendant ces huit épisodes sur l’inéluctabilité de l’établissement d’une hiérarchie par la richesse dans les sociétés humaines, et des dérives semble-t-il inévitables que l’exercice du pouvoir génère. Pour nous, Français, The 8 Show est une parfaite illustration de l’idiotie de la « théorie du ruissellement » (ce qui fait que nos dirigeants n’en feront certainement pas leur série préférée, à supposer qu’on regarde des séries coréennes à l’Elysée !) : il n’y a aucun doute pour personne ici que le principe est que ceux des étages supérieures s’enrichissent en contrôlant, par la terreur si nécessaire, ceux des étages d’en bas, qui travaillent jusqu’à épuisement, et, qui plus est, vivent dans les excréments et les déchets produits par la société.
Comme on est en Corée, la série ne s’embarrasse pas de sentimentalisme, et privilégie la violence, d’abord psychologique, puis physique : c’est un soulagement de ne pas avoir à supporter une romance entre deux candidats, comme l’aurait évidemment inscrit à leur cahier des charges les producteurs d’une série US, mais on regrettera (pour une fois) que les excès de violence – tortures en tous genres – qui s’accumulent dans la seconde partie de la série affaiblissent le propos, en plus d’être particulièrement déplaisants.
Mais le plus gros problème de The 8 Show vient de nombreuses faiblesses d’écriture, avec pas mal de situations illogiques, et un manque de mesure des relations entre causes et conséquences, en particulier dans la seconde partie de la saison, finalement plus faible alors même que la tension monte. On regrette le premier épisode (avec son format d’écran carré) qui introduisait intelligemment le contexte social de l’un des candidats, une idée qui aurait dû être exploitée de la même manière pour les sept autres. Il faut attendre le huitième et dernier épisode pour retrouver le même niveau de pertinence, voire d’émotion.
The 8 Show n’est donc pas la réussite espérée, et il y a fort à parier qu’elle ne connaîtra pas le succès de Squid Game. Ce qui ne signifie pas qu’il s’agisse d’une série « à éviter », car elle réserve au téléspectateur pas mal de moments stimulants.
Eric Debarnot