Parlor Snakes – Cut Shadows : une palingénésie qui tient du génie

Parlor Snakes signe un sans-faute resserré dans un format de 33 minutes, comme par hasard (en référence au 33 Tours). C’est un disque qu’il faut apprivoiser. Une fois dedans, la tornade devient une boucle.

Parlor-Snakes
© Jonathan Kluger

Il nous faut réapprendre à écouter la musique, plutôt que de survoler la surface des choses, prendre le temps et si nécessaire, s’immerger dans une ambiance pour arpenter les territoires de l’intime, respirer une atmosphère. Il y a une différence fondamentale entre écouter et entendre. Notre course effrénée dans le futur, est-elle la crainte d’être confronté au présent ? Le duo Parlor Snakes nous interroge sur le sens de nos vies en 8 titres calibrés d’une intensité et d’une beauté saisissante. L’intention du duo est de respecter de manière arbitraire les signaux perçus par l’oreille, les images que l’oeil intègre et d’en restituer toutes les ramifications.

Parlor-Snakes-lpParlor Snakes semble s’être missionné à atteindre la voie de l’accomplissement. Au travers de ce nouvel album, il y a cette consistance structurelle qui se renouvelle constamment, cette capacité à saisir ce qui échappe au regard, à dépasser les frontières des sens, un miraculeux équilibre musical et vocal. Cut Shadows suprend l’oreille, par la collision inattendue de segments de guitares passés dans des circuits électroniques. Dans To Begin Again, en ouverture, Il n’y a aucun maniérisme dans le chant d’Eugénie Alquezar, ce titre est bien plus ambitieux qu’il y paraît, le passage d’une forme vers une autre, un morphisme sonore dont le texte est le messager (Endless circles movin’ backwards). On reconnait les riffs précis de Peter Krzynowek, mis en avant dans le mix puis se noyant lentement dans un espace éthéré.

Chaque accord déformé est reconstitué sous une forme extensible, cette caractéristique est d’autant plus évidente qu’elle se détache du précédent album Disaster Serenades. Il y a probablement la volonté non pas de se soustraire au regard, mais d’atteindre le siège des émotions et de produire en totale indépendance, un album de grand envergure ( de quoi tordre les attentes de certains labels qui font le minimum de promotion). La présence de claviers est toujours opportune, City Burns est autant inattendu que son effet se propage directement dans chaque interstice, dans un équilibre de températures savamment dosé. Et puis la voix d’Eugénie décolle vers des aigüs dont Voices est l’illustration parfaite. Cette sonorité synthétique, proche d’une cold wave qui ne dirait pas son nom, est le travail de sessions studios en duo. La pochette signée « Arrache toi un œil » sobre et intrigante accompagne à merveille Eyes on the Machine. Cut Shadows devient un album familier à mesure que l’on admet que chaque titre est une curiosité dont on perçoit quelques facettes, en soi, Parlor Snakes se livre à des tempos variables, des montées soudaines, des riffs explosifs, dont l’instrumental Cut Shadows introduit le dernier titre de l’album 100 miles from the shore avec sa rythmique presque dansante, mais plus proche du Kraut-Rock. Parlor Snakes n’a pas dit son dernier mot, il leur reste encore des cases à cocher et des flèches à tirer.

Franck irle

Parlor Snakes – Cut Shadows
Label : T-Rec
Date de sortie : 19 Avril 2024