La Voie Dragon est un drôle de livre, mêlant les références traditionnelles chinoises à une approche de la BD occidentale, dans un équilibre plutôt bancal. Suivant ses goûts ou son humeur, on en aimera le message ou en déplorera la maladresse.
Ethan Young est un auteur de comic books US d’origine chinoise, et il est facile de saisir sa démarche dans ce singulier La Voie Dragon : rendre hommage à une culture millénaire sans doute largement inconnue de l’Américain moyen. Mais, pour avoir une chance de ne pas rebuter le lecteur, il lui a semblé qu’il convenait de « diluer » les aspects trop exotiques de son récit par une approche occidentale facilement assimilable : La Voie Dragon est un roman graphique qui ambitionne de nous offrir une réflexion profonde sur des thèmes complexes (la véracité des récits historiques, la légitimité du pouvoir, et évidemment, sujet important aussi bien en Chine qu’aux USA, le respect de la famille et la loyauté qu’elle impose…), mais passe par un dessin enfantin efficace et peu attrayant, et en jouant de situation stéréotypées dans un registre fantastique assez rebattu.
La Voie Dragon, c’est l’histoire d’un clan, les Wong, qui essaie de regagner le « Vieux Pays », où sont ses origines, et qu’il a dû abandonner depuis plusieurs générations du fait d’événement devenus mythiques, incluant l’arrivée d’un monstre cornu redoutable. Empruntant un chemin dangereux – la fameuse « voie dragon » – le clan va éveiller la colère d’ennemis séculaires, avant d’arriver enfin à destination, pour découvrir que les choses sont bien différentes de ce que les récits familiaux prétendaient. Au centre de l’aventure est le très jeune prince Sing, un gamin plutôt « tête brûlée » qui va finir par sauver tout le monde.
Le côté mignon des personnages – le dessin, rond et coloré, semble en décalage avec la noirceur et la complexité du scénario -, l’abus de clichés fantastico-oniriques, et la relative légèreté avec laquelle des situations difficiles sont traitées font que le lecteur un peu exigeant aura d’abord du mal à s’immerger dans La Voie Dragon… jusqu’à ce, peu à peu, la sauce prenne, et qu’une véritable émotion naisse. En refermant La Voie Dragon, on se dit qu’on a fait un singulier voyage, plus stimulant finalement qu’on l’imaginait, et qu’il s’en est fallu de peu pour que ce roman graphique soit réellement marquant.
Il s’agit donc de ce genre de livre que certains adoreront – après tout, les thèmes traités sont riches, et l’action, bondissante « à la chinoise », est généreuse, qui plus est formidablement lisible – tandis que d’autres déploreront que, quelque part, Ethan Young reste un peu au milieu du gué, tentant de combiner des éléments qui sont difficilement conciliables.
A vous de juger, donc…
Eric Debarnot