Le pari opportuniste que Netflix a fait avec Sous la Seine a l’air de payer tant le succès du film de Série B (presque Z, parfois) de Xavier Gens est important. On comprend que les Parisiens se réjouissent devant ce jeu de massacre qui exorcise à sa manière le mal-être général vis à vis des JO, mais le film est-il pour autant regardable ?
Est-ce que les Français – et surtout leur gouvernants – sont conscients du rejet général que suscitent chez les Parisiens l’organisation des JO dans la capitale et les mesures aussi liberticides qu’absurdes qui sont en train d’être mises en place ? Ajoutez ça à l’aversion que la majorité des Parisiens ressentent depuis des années envers leur maire, et vous avez là un formidable tremplin pour un film qui, dissimulé derrière les atours du film de genre, niveau série B, voire même Z, prend à bras le corps – mais avec tout le décalage, le second degré qu’il est prudent d’utiliser en la matière – ce rejet violent. Qu’une épreuve de natation dans la Seine (la face la plus ridicule, la moins sensée du projet des JO) se transforme en gigantesque bain de sang, et voilà des centaines de milliers d’habitants de la Capitale se réjouissant de la matérialisation à l’écran de leur aversion pour ce projet.
Ce qui est intéressant devant le succès international de la nouvelle production de Netflix France qui se dessine quelques jours après sa mise en ligne, c’est que cette expression d’un rejet de ce Paris – qu’on nous force à « avaler » et qui va (spoiler, mais ce n’est pas grave) « morfler » gravement à la fin de Sous la Seine (plus justement appelé « Sous Paris » dans son titre international, une bonne partie de l’action se passant dans les catacombes parisiennes submergées par décision de la Mairie) – semble être maintenant un phénomène « global ». On peut imaginer le soulagement du touriste US, chinois ou japonais, qui a été traité comme un pigeon ou comme un chien lors de sa dernière visite de Paris, et qui voit la crasse de la ville balayée par l’attaque des requins !
Bref, Netflix a eu le nez creux, même si une polémique est née sur le fait que l’idée du film (l’apparition d’un requin mutant dans la Seine quelques jours avant l’organisation d’un épreuve de natation qui doit servir de communication globale pour la Mairie de Paris) aurait été purement et simplement volée à un autre scénariste. En tant que téléspectateur, on n’est pas trop préoccupé par ce genre de problème, on s’amuse trop pendant la seconde partie du film pour s’intéresser réellement à la sale cuisine derrière Sous la Seine. On se demande juste par moments comment la Mairie de Paris a donné l’autorisation de tourner ce film quand on pense à la volée de bois vert qu’elle se prend au final : ça doit barder en ce moment dans le bureau d’Hidalgo !
Faut-il par contre parler du film comme objet de cinéma ? Franchement, c’est beaucoup moins intéressant. Le scénario est assez inepte, et les invraisemblances se ramassent à la pelle, sans qu’il soit même utile de les relever. Le filmage des scènes d’action / d’horreur rappelle, ce qui ne surprendra personne, que Xavier Gens n’est pas le nouveau Spielberg, et pas mal de bonnes idées (eh oui, il y en a !) sont gâchées par l’amateurisme général qui semble régner. On sauvera du lot l’interprétation de Bérénice Bejo et de Nassim Lyes, qui font leur boulot d’acteurs aussi bien qu’ils peuvent. Mais, de toute manière, qui s’attend à un « bon film » quand il va regarder une histoire de requin dévorant des plongeurs et des nageurs dans la Seine ? Un ami nous disait hier que le film est un véritable « plaisir coupable » avec une petite fumette pour la décontraction, mais je pense qu’un verre de vin ou une bière entre amis fonctionne parfaitement aussi. Quant aux sinistres « experts » qui nous bassinent avec le fait que le film n’est pas réaliste et que les requins ne peuvent pas vivre dans l’eau douce, on se demande si l’un d’eux est déjà allé au cinéma de sa vie !
Allez, on va terminer cet article en pointant du doigt une évidence, qui est finalement le gros POINT FORT du film (Oui, il y en a !) : en commençant, au large, par des scènes plutôt bien faites montrant le septième continent de plastique flottant dans le Pacifique, et en se terminant (spoiler, mais ce n’est pas grave, si ?) par un avertissement que nous, les humains, pourrions être les prochains perdants de l’évolution darwinienne (bon, un peu accélérée quand même), Sous la Seine propose une mise en garde pertinente sur les conséquences de notre mode de vie : on espère donc que ce film, plutôt mauvais mais bien réjouissant, sera vu par des millions de gens de par le monde, pour rappeler que, bien au-delà des dents sanglantes des requins, ce sont les dents des grands prédateurs du monde politique et du business sans âme qui sont les plus dangereuses.
Eric Debarnot