Un tueur à gages qui ne se souvient pas du nom de sa cible, c’est fâcheux. C’est ce qui arrive à Papi Mariole, embarqué dans une odyssée vengeresse en compagnie d’une jeune femme à la recherche de son amant toxique. Un roman singulier, à l’humour jamais gratuit, signé Benoît Philippon.
La mémoire, c’est le problème de Papi Mariole, tueur à gages à la retraite, la trombine de Jean Rochefort, qui souffre de la maladie d’Alzheimer et qui s’échappe de son EPAHD pour honorer son dernier contrat avant de dire enchanté à son miroir. Détail ennuyeux, Mariole ne se souvient pas du nom de sa cible. Il s’est bien laissé quelques indices dans ses anciennes planques avant que la maladie karchérise ses souvenirs mais son disque dur a encore moins d’autonomie que sa prostate. A quoi bon laisser un post-it sur le frigo si on ne sait plus où se trouve le frigo ?
L’Homicideur au cerveau aussi étanche qu’une passoire retrouve quand même son animal de compagnie, Madame Chonchon, une truie, au groin de la rue. Le vieil homme donne bien plus que de la confiture à son cochon, toute son affection, mais côté discrétion, ce n’est pas le compagnon idéal pour une cavale et il ne faut pas rouler dans une citadine.
Sur sa route, en l’occurrence une autoroute, Mariole va secourir Mathilde, une jeune femme qui roulait à l’ordinaire jusqu’à que sa vie soit désintégrer par la publication d’un « Revenge Porn » publié sur les réseaux sociaux par un amant plus toxique que de l’amiante.
Ces deux âmes perdues vont se lier d’amitié et s’associer. L’un est à la recherche de son passé, l’autre aimerait s’en débarrasser pour se construire un nouveau futur. Vieillesse et détresse dans une odyssée vengeresse.
Comme dans Mamie Luger, les péripéties de ce duo original et improbable sont désopilantes mais l’humour n’est pas gratuit chez Benoit Philippon et les sourires ne camouflent pas les questions autour de la dépendance, de la conscience amère de sa décrépitude ou des nouvelles violences numériques dont les femmes sont souvent victimes.
J’ai ressenti beaucoup de tendresse de l’auteur pour ses personnages. Même le cochon est attachant. Aucune envie de charcuterie ce soir (ni de brocolis).
Les trous de mémoire de Mariole sont des nuits sans fin que Mathilde éclaire de sa patience, comme un GPS amateur de détours.
Cette histoire ferait un très bon film, même hélas, sans Jean Rochefort, acteur qui était bien plus qu’une moustache.
Olivier de Bouty