En mai dernier, Morgane Imbeaud a sorti son 3e album solo, The Lake. L’occasion pour nous d’aller lui poser quelques questions à propos de sa composition et des thèmes abordés, mais aussi sur ses projets en dehors de la musique.
Morgane Imbeaud a sorti son 3e album solo, The Lake. Un album superbe, beau, mais beau ! Doux, léger, mélancolique, émouvant et fort, mais aussi presque difficile à entendre. Les mélodies sont subtiles et les arrangements délicats. Cela donne des morceaux difficiles à oublier, difficiles à abandonner, des morceaux qui vont vous suivre, vous emporter, vous habiter (après vous avoir tiré des larmes). De la belle musique pour des émotions profondes.
BENZINE : Cela faisait quelque temps que vous n’aviez rien enregistré, si je ne me trompe pas, depuis 2019 ou 2020. Est-ce un « retour » à la musique ?
Morgane Imbeaud : La musique ne s’est jamais arrêtée durant ces quatre dernières années. Effectivement la covid et le confinement nous ont tous mis en pause. J’ai passé une année à défendre mon album précédent, Amazone, sorti en février 2020. Cette longue période a été prolifique, j’en ai profité pour écrire un roman, faire des chansons. J’ai ensuite eu un passage difficile suite à un burn out en juin 2021, mon corps m’a demandé de prendre du temps pour moi, me reconstruire. J’ai passé trois mois en clinique psychiatrique, mais j’enregistrais presque tous les jours depuis ma chambre dans laquelle j’avais installé un petit home studio.
BENZINE : Depuis Cocoon, vous avez beaucoup écrit, composé, surtout avec d’autres. Seulement deux, et maintenant trois albums solos. Que préférez-vous ? Travailler en solo ou en groupe ? Même si en solo, il y a toujours des collaborations…
Morgane Imbeaud : Cet album m’a permis de me rendre compte que j’adorais être en solo, bien que ce ne soit pas vrai. La seule raison est que je peux faire ce que je veux, enfin, avec qui je veux et également quand je le veux ! Je n’ai aucune envie de faire un album vraiment seule, je connais mes limites, j’aime apprendre et partager. Pour cet album, la relation avec Robin Foster était parfaite, nous avons la même sensibilité.
BENZINE : Collaborer sur un projet solo n’est pas la même chose que participer à un groupe ; faites-vous une différence ?
Morgane Imbeaud : Tout à fait ! La seule différence, c’est qu’en solo, on a le mot de la fin !
BENZINE : Terminer un album, finir l’enregistrement, est-ce une délivrance ? Un moment de soulagement, ou au contraire une source d’inquiétude ?
Morgane Imbeaud : C’est tout à la fois (sourire). C’est un soulagement dans un premier temps, puis de la nostalgie. Mon inquiétude a changé cependant, avant je n’avais que des doutes, peur de déplaire mais aujourd’hui j’ai enfin réussi à faire abstraction de tout ça, j’ai adoré faire cet album, il est très important pour moi et très intime. J’espère qu’il plaira à tout le monde, mais je ne recherche plus à rentrer dans un moule.
BENZINE : Pour parler de The Lake, son écriture est liée à un moment particulier de votre vie ; un moment de doute, si j’ai bien compris ; vous avez écrit l’album au bord d’un lac. Certains morceaux ont l’air de parler de vous. Diriez-vous que c’est un album très personnel ?
Morgane Imbeaud : C’est le plus intime que j’ai écrit jusque-là. The Lake fait référence au Lac Servières en Auvergne, mon lac préféré !
BENZINE : Malgré tout, l’album est très cohérent, très beau, très émouvant, avec des chansons à vous arracher des larmes et des frissons. Il se dégage de certains morceaux comme Seule (Je veux te dire, seulement si tu es prêt//Qu’il faut me fuir sans regret//Pour ne rien gâcher//Attends que mes paupières s’éteignent) ou The Lake (The lake//It swallows me//I’m drowning) une grande mélancolie.
Morgane Imbeaud : Merci beaucoup ! J’ai voulu être dans la provocation, la fatalité. Chaque chanson correspond à une émotion particulière à laquelle je refuse de trouver le mot juste. Pour ce faire, j’ai choisi de raconter des histoires qui me plongeaient dans ces émotions-là, celles qui naissent dans notre plexus solaire (sourire).
BENZINE : Est-ce que se mettre à nu, se présenter aux autres de cette façon est difficile ?
Morgane Imbeaud : Plus du tout. Je crois que j’en avais marre de me taire sur ces sujets qui me paraissent universels. On parle beaucoup de santé mentale aujourd’hui et je trouve qu’on ne va pas assez loin, qu’on se cache encore un peu. J’aimerais que les gens puissent se sentir « normaux » (bien que ce mot ne veuille rien dire) dans leurs troubles.
BENZINE : Vous chantez en français et en anglais. Aimez-vous écrire dans une langue qui n’est pas la vôtre ? Est-ce plus facile de parler de soi en anglais qu’en français ?
Morgane Imbeaud : Il est vrai qu’on a tendance à penser que chanter en anglais permet de se cacher. L’exercice est simplement différent. Le français est une langue avec des sons durs, nos consonnes par exemple, alors que l’anglais est beaucoup plus mélodieux (à mon goût) donc les messages restent aussi forts, mais leurs sens peut être plus ou moins immédiat suivant la langue.
BENZINE : Les morceaux sont tous assez longs, cela laisse le temps de s’y installer, de prendre le temps et d’apprécier l’atmosphère. Est-ce un choix ? Une envie ou est-ce arrivé naturellement. Comment décidez-vous de terminer un morceau ?
Morgane Imbeaud : Ce n’est pas du tout un choix, on a choisi d’écouter nos sensations. La musique de Robin Foster est construite ainsi, tout comme le groupe Archive. Dans cet album, je voulais qu’on ressente, à la fin de chaque chanson, un message crié, un soulagement.
BENZINE : Comment écrivez-vous vos chansons ? Musique d’abord ou textes ?
Morgane Imbeaud : Je commence toujours par la musique ! Le texte arrive ensuite.
BENZINE : Il y a des morceaux plutôt pop, presque « rapides » et d’autres plus méditatifs. Y a-t-il un type de musique avec lequel vous vous sentez le plus à l’aise ?
Morgane Imbeaud : J’ai longtemps été plus à l’aise avec des chansons telles Seven lives ou No rising sun mais la courbe s’équilibre aujourd’hui. Travailler avec Robin m’a permis de repenser ma façon de composer.
BENZINE : Qu’est-ce qui vous inspire ? La musique des autres, la vie ? La littérature ? Comment qualifieriez-vous votre musique ? Quel type de musique écoutez-vous ?
Morgane Imbeaud : Je cherche la beauté partout autour de moi et elle me touche plus intensément lorsqu’elle vient de l’ombre, de ce qu’on pense être triste. J’aime les gens et leurs histoires de vie, j’aime lire Patti Smith (son roman Devotion m’a inspirée ma chanson Patineuse), les musées, le cinéma. J’aime voyager, énormément, et prendre le temps de faire des photos, cela me permet de remettre en ordre toutes les émotions que j’ai accumulées durant quelques semaines ou quelques mois.
BENZINE : Vous avez des projets personnels en dehors de la musique ?
Morgane Imbeaud : En plus de la musique, j’anime des ateliers sur la tolérance et l’empathie auprès de jeunes adultes en service civique. Je me forme en PNL (programmation neuro-linguistique) afin de développer ces ateliers qui mêlent photo, langage, théâtre et la musique à tous les âges. Ces échanges m’inspirent constamment pour la musique puisqu’ils me permettent de mieux comprendre le monde dans lequel on évolue.
BENZINE : des concerts ?
Morgane Imbeaud : Bien sûr ! Je veux jouer absolument partout !
Propos recueillis par Alain Marciano