La seconde saison de la belle série québécoise Une affaire criminelle s’attaque aux violences conjugales, et bien que moins forte que la précédente, réussit à nous accrocher avec une intrigue passionnante.
Le succès de la première saison de Une enquête criminelle appelait logiquement une suite, le défi étant de conserver les forces de la première (son ancrage dans la réalité québécoise, la forte crédibilité des personnages, le tout allié à la complexité de « l’énigme policière » à résoudre) en repartant de zéro, avec de nouveaux protagonistes et une nouvelle histoire. On voit très bien que Pascal L’Heureux, Stéphane Lapointe, Joanne Arseneau et leur équipe ont réfléchi à ce qu’ils allaient nous proposer pour poursuivre la trajectoire de la série, renouveler ses thèmes sans en trahir l’esprit.
Au centre de cette seconde saison, on a donc deux femmes policières, liées de manière assez indiscernable – ce qui est régulièrement questionné par leur hiérarchie aussi bien que par leurs proches -, que l’on ne pourra finalement que qualifier de « sororité ». La première, Laurence (Alice Moreault, convaincante mais restant dans le même registre de jeune femme rebelle et butée durant les 8 épisodes de la saison) est une jeune enquêtrice récemment promue dont le père, policier lui aussi, a disparu depuis quelques années : on le soupçonne de s’être suicidé, ce qu’elle ne croit pas… tout en ayant peur, du fait de troubles de mémoire, que ce soit elle-même qui l’ait tué au cours d’une violence altercation dont elle ne se souvient que par fragments. La seconde, Geneviève (Julie LeBreton, qui bénéficie d’un rôle plus riche, plus ambigu, et finalement plus crédible) est l’épouse de l’un des cadres supérieurs de la police, et cache à tout le monde que son mari la frappe régulièrement. Les secrets de ces deux femmes, mais également de leur entourage, vont être révélés le jour où Laurence tire en légitime défense sur un suspect potentiellement impliqué dans la disparition de son père, et le tue… entraînant une enquête interne qui va mettre la pression sur elle, déjà fragilisée par ses problèmes psychologiques.
Ce bref résumé montre qu’il s’agit là de reprendre pas mal d’éléments qui ont contribué à la réussite de la première saison : la jeune femme à la quelle personne ne fait vraiment confiance et qui se débat pour faire éclater la vérité, la politique interne des services de police, en particulier l’ingérence de la « police des polices » dans le fonctionnement d’une enquête, etc. La grosse différence de cette seconde saison, qui ne bénéficie malheureusement plus en son centre d’une actrice aussi impressionnante que Céline Bonnier, est de traiter plus ou moins frontalement (pas de spoiler, mais il y a une évolution notable de la situation au cours des 8 épisodes) la question sociétale des violences conjugales. Et de mettre en valeur, face à l’incompréhension masculine – voire à la solidarité des hommes devant les plaintes des femmes battues – la force de cette fameuse « sororité » dont on parle beaucoup en ce moment.
Les anti-wokes grimaceront sans doute quant on mentionne ces deux sujets, et surtout quand on y ajoute celui des violences policières, en particulier au cours des manifestations, qui semble positionner Une affaire criminelle à gauche de l’échiquier politique. Mais rien n’est aussi simple, ce qui est d’ailleurs l’une des grosses qualités de cette série, dont le déroulement nous réserve de jolies surprises… après un démarrage un peu lent, cette fois, c’est vrai.
Bref, sans atteindre à l’excellence de ses débuts, Une affaire criminelle reste une série très recommandable, et en tout cas bien plus « adulte » que nombre de productions Netflix ou autres. Ostie !
Eric Debarnot