Le duo Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, déjà à l’écriture sur Les Trois mousquetaires, adaptent brillamment le roman fleuve d’Alexandre Dumas. Ils signent un film d’aventure à l’ancienne avec un Pierre Niney très convaincant dans le rôle d’Edmond Dantès.
Nouveau chapitre dans le Dumas cinematic Universe initié par Pathé, Le Comte de Monte-Cristo a la lourde tâche de succéder au diptyque des Trois mousquetaires et au lot de frustrations qu’il avait pu générer. Les choix sont nets : resserrer un roman de 1200 pages en un seul film de 3h, se distancier des choix esthétiques brunâtres de l’essai précédent, et trouver comment lifter le classicisme sans basculer dans l’embarras.
Le premier s’avère une bonne option. Les lecteurs fidèles à Dumas auront évidemment de quoi s’offusquer face aux nombreuses coupes et aménagements du récit, et il faudra accepter de ne voir dans ce projet qu’une nouvelle version du matériau originel. Mais la profusion du récit persiste, et les nombreux spectateurs, notamment de la nouvelle génération qui découvriront cette géniale intrigue pour la première fois devraient y trouver leur compte. Les trois heures sont particulièrement bien exploitées pour restituer le temps long de la vengeance, sans aucune perte de rythme par une habile gestion des ellipses et des montages alternés, soucieux d’équilibrer le temps de présence des nombreux personnages secondaires. La mise en scène assume quant à elle un académisme fédérateur du plus grand nombre, non sans quelques lourdeurs, notamment sur les plans de drone ou un recours abusif à une musique pompière. Le duo Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, déjà à l’écriture sur Les Trois mousquetaires, prend clairement ses distances avec les choix de Bourboulon, et renoue avec un cinéma à l’ancienne, plus propice dans cette intrigue qui joue davantage sur les grands espaces, les stratagèmes en haut lieu et les duels en bonne et due forme que les combats épiques. L’imagerie solaire et colorée, qui a le bon goût de ne pas tomber dans les excès de saturation du tout numérique achève de convaincre pour embarquer le spectateur de la méditerranée aux hautes sphères des citadins.
La réussite du film tient en somme dans son point d’équilibre, et au sérieux avec lequel il s’empare du matériau littéraire. C’est probablement là qu’il convainc le plus : l’académisme, sans être poussiéreux, reste à bonne distance des travers de l’époque, et formule un enthousiasme sincère pour le film d’aventure à l’ancienne sur qui on ne va pas greffer humour mal venu, références méta ou cynisme parodique. De ce point de vue, le casting est aussi à prendre en compte : contrairement à son pote François Civil dans Les Trois Mousquetaires, Pierre Niney convainc parfaitement : débarrassé du statut de jeune premier, il insuffle à son personnage la colère rentrée et une obsession pour la maîtrise nécessaires à sa complexité. Et la valse des personnages autour de lui est à l’avenant, notamment Laurent Lafitte qui adore toujours autant jouer les salopards, ou Anamaria Vartolomei qui se fond parfaitement dans l’univers des superproductions.
Autre changement de stratégie de la part de Pathé, la sortie avancée à l’été, formule nouvelle pour le cinéma français qui laisse généralement ce créneau aux blockbusters américains. En espérant que toutes ces leçons tirées des expériences précédentes, alliées à l’audace d’un pari sur le désir de l’expérience en salle du public puisse être récompensées.
Sergent Pepper