Magnifique et passionnant enregistrement des premières collaborations en 1969 entre Neil Young et le futur « groupe de sa vie », Crazy Horse, Early Daze est un must. Mais pose quand même une sérieuse question sur la « validité » des coffrets Archives !
Le premier réflexe de tout passionné de Neil Young à l’annonce faite il y a quelques semaines de la parution de Early Daze, constitué des premiers enregistrements studio de Neil Young & Crazy Horse en 1969 (avant Everybody Knows This Is Nowhere, donc !), a été forcément un grand : « WTF ? Mais pourquoi est-ce qu’un truc potentiellement aussi « précieux » n’a pas été inclus dans le Volume 1 des Archives, qui comportait d’ailleurs un bon lot d’enregistrements d’un intérêt relatif, voire redondants ? ». Et l’écoute – éblouie, osons le dire – de cet album rend la question encore plus incontournable. Puisque le premier titre de Early Daze, une version chaotique et ultra-vivante de Dance Dance Dance, ainsi que le rare Everybody’s Alone figuraient dans les Archives, d’où sort le reste, ces huit autres morceaux « inédits » ? Et pourquoi n’ont-ils pas été publiés alors ? Bon, on ne sait pas si on aura une réponse un jour, mais en attendant, profitons de cet album totalement inattendu, et passionnant. Et magnifique.
Après Dance Dance Dance, déboule une « early version » du Come On Baby Let’s Go Downtown de Danny Whitten : elle est assez différente de celle, très connue, figurant sur Tonight’s The Night – moins sauvage, moins à vif, presque joyeuse, et étoffée par les claviers de Jack Nitzsche qui s’est joint à la formation « de base » de Crazy Horse -, ce qui justifie pleinement l’intérêt qu’on peut lui porter. Avec Winterlong, on entre dans le « dur », dans les archives de haut niveau : quatre ans avant la version de 1973 révélée sur la compilation Decade, le Crazy Horse, groupe encore hésitant, loin de la puissance de feu qu’il aura quelques mois plus tard, se fait les dents sur ce morceau superbe, et nous en livre une version assez laid back, assez ludique. Le chant de Neil est particulièrement décontracté, dénotant un vrai plaisir de jouer avec ces musiciens, dont il perçoit probablement qu’il seront un relais parfait pour sa musique. Et c’est très émouvant.
Wonderin’ n’est pas un grand titre de Neil, mais, avec les chœurs de la fine équipe du Crazy Horse, il passe comme une lettre à la poste, et avec un grand sourire en plus. A l’inverse, Cinnamon Girl est un morceau immense, mais la version de Early Daze est celle parue en single en 1970, très proche de celle connue sur l’album, avec juste un final un peu plus long. Look At All The Things, chanté par Danny Whitten, figurait sur l’album éponyme du Crazy Horse de 1971, et est un excellent titre qui s’inscrit parfaitement dans l’esprit de Early Daze. Suivent deux versions « Crazy Horse » des magnifiques classiques que sont Helpless et Birds : la relative rugosité, ou au moins la décontraction, de l’interprétation, ainsi que la conviction du chant de Neil constituent indiscutablement des « plus ». Birds, en particulier, est légèrement ralenti, et s’avère encore meilleur dans ce format. Si l’on ne peut réellement parler de « surprise » en écoutant ces versions, leur splendeur, littéralement bouleversante, est indéniable.
La conclusion de l’album, et sans doute le plus beau morceau du disque, ce sont les neuf minutes de Down By The River : plus délicate, moins puissante que ce que l’on entend sur Everybody Knows This Is Nowhere, portée par un chant de Neil tout en fragilité et en subtilité, cette version n’en est que plus belle, plus émouvante. Juste parfaite, tout simplement parce qu’elle est imparfaite.
Bref, Early Daze est un MUST pour tous les fans du Loner. Et, nous laisse espérer que, en dépit de toute logique, le vieux tigre ait encore des inédits de ce niveau à sortir de son chapeau de prestidigitateur.
Eric Debarnot