Né d’une digression des Misérables, le dernier roman d’Olivier Rolin suit le parcours de Frédéric Courmet et d’Emmanuel Barthélémy, deux chefs révolutionnaires engagés sur les barricades de 1848 puis exilés à Londres. Récit de deux destinées parallèles dans une époque troublée.
« Les livres servent à en susciter d’autres », écrit Olivier Rolin à la fin de « Jusqu’à ce que mort s’ensuive ». Son roman est né des Misérables, plus précisément d’une digression au tout début de la cinquième partie, dans laquelle Victor Hugo s’attarde sur les « deux plus mémorables barricades » de l’histoire sociale du XIXe siècle. Élevées lors de la révolte ouvrière de 1848 et plaisamment surnommées « Charybde » et « Scylla », elles barraient respectivement l’entrée du Faubourg Saint Antoine et celle du Faubourg du Temple, et avaient été construites, l’une par Frédéric Cournet, un partisan de Ledru-Rollin, colossal officier de marine placardisé, l’autre par Emmanuel Barthélémy, un malingre ouvrier blanquiste… Trois ans plus tard, ces deux chefs révolutionnaires, en exil à Londres, allaient s’affronter dans un duel sanglant.
Olivier Rolin a vu le potentiel romanesque du destin de ces deux insurgés qui appartiennent non à la fiction mais à l’Histoire. Il raconte leur parcours chaotique à sa façon, sinueuse, digressive, circulant entre les lieux – Paris et Londres – les époques – du XIXe au XXIe siècle en passant par Mai 68 – les références littéraires – en dehors de Hugo, apparaissent Balzac, Eugène Sue ou Théophile Gautier – et même picturales. S’appuyant sur une imposante documentation et décrivant son minutieux travail de repérage, Olivier Rolin, sans rien dissimuler de ses ignorances et ses doutes, fait revivre les remous d’une époque et l’histoire tourmentée de deux hommes, modestes figures du grand roman hugolien qu’il fait ici accéder au statut de héros, et dont il entretient avec art le suspense de la confrontation.
Le point du départ du roman était séduisant : raconter les destins croisés de Cournet et Barthélémy, deux hommes combattant pour la liberté, éclairer ce qui avait pu attiser entre eux la haine qui les conduira au duel fatal. J’ai été portée par la fougue du récit de Rolin, appréciant la façon dont, au fil du texte, il fait évoluer son regard sur les personnages. Mais je me suis aussi quelque peu perdue dans ce roman foisonnant et désordonné – Rolin affectionne les chemins de traverse et aime parler de lui. Et si j’ai pu rafraîchir mes connaissances sur une période de l’Histoire que je connais mal – pas facile de comprendre les nuances entre certains partis – mon ignorance m’a dans doute tenue éloignée de bien des subtilités… Mais j’ai eu plaisir à prendre part avec Olivier Rolin à ce « mouvement de l’imagination, de l’écriture, de la lecture, qui est la vie même, la vraie vie »…
Anne Randon