On n’attendait pas grand chose de Sans un bruit – Jour 1, d’ailleurs on n’est même pas allé le voir la semaine de sa sortie. C’était une erreur tant le film de Sarnoski déjoue les promesses d’un blockbuster spectaculaire. Et en plus, son héros est UN CHAT !
Je chéris personnellement beaucoup Sans un bruit, pour des raisons qui ne sont pas uniquement cinématographiques. J’ai eu la chance de le découvrir aux USA, avant sa sortie française, dans une salle bondée d’un état du Sud (« l’Amérique profonde », comme on dit avec pas mal de mépris, vu de la France), la première semaine de sa diffusion. Et cela restera pour moi l’une de mes plus belles expériences de spectateur en salle, une justification parfaite de la supériorité de la salle sur toute autre forme de visionnage. Dans un silence intégral pendant toute la durée du film (plus personne ne mastiquait même son pop corn), le public tétanisé de pure terreur avait fait sien le silence du titre du film : quelles que soient les qualités et les défauts de la réalisation de Krasinski, c’était le CINEMA, le vrai, qui sortait gagnant de ce pari fou.
Alors que le second opus de la nouvelle franchise était beaucoup plus conventionnel, je n’avais pas forcément envie de voir ce Jour 1 dont la bande annonce promettait une approche de « blockbuster » de Science Fiction a priori spectaculaire mais très conventionnelle, loin du concept initial. L’excellente surprise du film de Sarnoski, c’est que les scènes spectaculaires de destruction de New York – une ville qu’on a vue souffrir tant de fois au cinéma, et quand même une fois « en vrai », le 11 septembre – sont plus réduites qu’on pouvait l’imaginer, et que rapidement le scénario de Jour 1 choisit, dans la ligne du premier opus, l’intimisme, le mélodrame et la tension plutôt que le spectacle.
Sans même parler que, après le chien d’Anatomie d’une chute, c’est un chat qui vole la vedette à Lupita Nyong’o et Joseph Quinn, pourtant tous deux excellents. La grande idée du scénario, c’est de faire regarder cette fin du monde, violente et probablement définitive, à travers les yeux d’une jeune femme condamnée à mort par la maladie, ce qui bouleverse totalement les enjeux habituels de ce genre de « films catastrophe » : il ne s’agit plus ici de survivre, mais simplement de vivre assez longtemps pour aller goûter une pizza qui encapsule pour Samira tout le bonheur qu’elle a vécu dans sa courte existence.
Il y a là une modestie louable dans ce projet, bien loin de ce que proposent 90% des films « populaires » US : pas de grandes déclarations sur la préservation de la société US (ou humaine, mais pour les Etats-Uniens, c’est la même chose), ce qui est important ici c’est de savourer le goût d’une pizza, d’écouter encore une fois une musique aimée, et de préserver la vie d’un chat. Dit comme ça, c’est dérisoire, mais c’est aussi l’une des plus justes définitions de la VIE.
Dans ce registre à la fois sensible et un tantinet mélodramatique, la seconde moitié du film est un vrai petit bonheur : si la peur de « faire du bruit » nourrit son lot de scènes anxiogènes, il faut bien admettre que le concept originel brillant de Sans un bruit commence à être fatigué, et qu’il serait bon d’arrêter là. Par contre, c’est le sens – négligé dans sa traduction française – du titre original (A Quiet Place, soit « un endroit tranquille »), qui est magnifié dans la dernière scène, quand Samira reconnait qu’elle avait oublié la beauté du silence – alors qu’en préambule, on nous avait en effet dit que le bruit ambiant à NY s’approche du niveau sonore d’un cri permanent.
Finalement, Jour 1 s’avère le digne successeur du premier film de la franchise, dans sa manière intelligente de mettre en avant un véritable concept, qui prend le dessus vis-à-vis de l’horreur banale distillée par les monstres-tueurs.
Sans même parler de ce fichu chat, d’ailleurs nommé Frodon comme un vaillant petit soldat face aux armées de Mordor, dont nous passons une heure quarante à espérer qu’il survivra…
Eric Debarnot